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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico
Autoren: Michel Zévaco
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semble ?
    Chico commençait à considérer Pardaillan comme un être
exceptionnel, plus grand, plus noble, meilleur en tout cas que tous
ceux qu’il avait appris à respecter. Non qu’on se fût donné la
peine de lui apprendre quelque chose, mais de voir et d’entendre
autour de soi, on se forme sans s’en apercevoir. Pour lui, un désir
de Pardaillan devenait un ordre à exécuter sans discuter, et séance
tenante. En outre, il ne manquait ni de fierté ni de dignité, bien
qu’on l’eût fort étonné sans doute en lui disant qu’il possédait
ces qualités.
    Pardaillan ayant dit : « Assieds-toi là », le
nain s’assit et avec une aisance parfaite se mit à faire honneur à
ce festin improvisé. Pardaillan, d’ailleurs, paraissait se faire un
plaisir de le traiter comme on traite un hôte de marque.
    Sur ces entrefaites, Cervantès et le Torero étaient descendus
et, assis à la même table, choquaient leurs verres contre les
verres de Pardaillan et de Chico.
    Naturellement Cervantès et le Torero, s’ils furent surpris de
voir le chevalier attablé avec le petit vagabond, se gardèrent bien
d’en laisser rien paraître. Et puisque Pardaillan traitait le Chico
sur un pied d’égalité, c’est qu’il avait sans doute de bonnes
raisons pour cela, et ils s’empressèrent de l’imiter. En sorte que
Juana vit avec une stupeur qui allait grandissant ces personnages,
qu’elle vénérait au-dessus de tout, témoigner une grande
considération à son éternelle poupée, cette poupée à qui elle
croyait faire un très grand honneur en lui permettant de baiser le
bout de son soulier.
    Elle ne disait rien, la petite Juana ; mais Pardaillan,
amusé, lisait sur sa physionomie mobile et loyale toutes les
questions qu’elle se posait sans oser les formuler tout haut. Et
pour la renseigner indirectement, il feignit de s’en prendre à
Cervantès et à don César, à qui il se mit à faire, en l’arrangeant
à sa manière, le récit de sa délivrance par le Chico.
    – Croiriez-vous, dit-il à un certain moment, que ce petit
diable a osé lever la dague sur moi ? À telles enseignes que
je me demande comment je suis encore vivant.
    – Ah bah ! fit Cervantès sans railler, le petit est
brave ?
    – Plus que vous ne croyez, dit gravement Pardaillan. Dans
la petite poitrine de cette réduction d’homme bat un cœur ferme et
généreux Et je sais bien des hommes forts, réputés braves et
généreux, qui n’auraient jamais été capables de montrer la moitié
de la grandeur d’âme et de courage de ce petit héros. Il n’est pas
de bravoure comparable à celle qui s’ignore. Je vous expliquerai un
jour peut-être ce qu’a fait cet enfant Pour le moment, sachez que
je l’aime et l’estime, et je vous prie de le traiter en ami, non
pour l’amour de moi, mais pour lui-même.
    – Chevalier, dit gravement Cervantès, du moment que vous le
jugez digne de votre amitié, nous nous honorerons de faire comme
vous.
    Par exemple, le Chico ne savait quelle contenance garder. Il
était heureux, certes, mais ces compliments de la part d’hommes
qu’il regardait comme des héros, le plongeaient dans une gêne qu’il
ne parvenait pas à surmonter. Cependant, nous devons dire qu’il
louchait constamment du côté de Juana pour juger de l’effet produit
sur elle par ces louanges qu’on faisait de sa petite personne. Et
il avait lieu d’être satisfait, car Juana, maintenant, le regardait
d’un tout autre œil et lui faisait son plus gracieux sourire… Aussi
le cœur du nain s’épanouissait d’aise, et s’il avait osé, il aurait
baisé la main de Pardaillan en signe de soumission et de gratitude,
car il était trop fin pour n’avoir pas deviné que toute la scène
avait été imaginée par le chevalier, à seule fin d’impressionner
Juana et la faire revenir de sa bouderie, réelle ou affectée. Et
les résultats de cette comédie étaient très visibles pour lui, si
modeste et si aveuglé par la passion qu’il fût.
    Après avoir ainsi frappé indirectement l’esprit de la fillette,
Pardaillan la prit à partie directement et, moitié plaisant moitié
sérieux :
    – C’est vous, ma gracieuse Juana, qui avez pris soin de cet
abandonné, votre compagnon d’enfance. Par lui qui m’a sauvé, je
vous suis redevable. Je ne l’oublierai pas, croyez-le. Mais une
chose qu’il faut que vous sachiez, c’est que la femme qui aura le
bonheur d’être aimée de Chico pourra compter sur cet amour
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