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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico
Autoren: Michel Zévaco
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de prononcer avec une autre
personne.
    Le Chico rougit et balbutia :
    – Je ne sais pas !
    Elle frappa du pied avec colère et dit en le
contrefaisant :
    – Je ne sais pas !… Tu ne vois donc rien ? C’est
agaçant. Pour qu’il ait dit cela, il a bien fallu pourtant que tu
lui en parles.
    – Je ne lui ai pas parlé de cela, je le jure, dit vivement
le Chico.
    – Alors comment sait-il que tu aimes quelqu’un et que tu
l’aimeras jusqu’à la mort ?
    Et câline :
    – Et c’est vrai que tu aimes quelqu’un, dis, Chico ?
Qui est-ce ? Je la connais ? Parle donc ! tu restes
là, bouche bée. Tu m’agaces.
    Les yeux de Chico lui criaient : « C’est toi que
j’aime ! » Elle le voyait très bien, mais elle voulait
qu’il le dît. Elle voulait l’entendre.
    Mais le Chico n’avait pas ce courage. Il se contenta de
balbutier :
    – Je n’aime personne… que toi. Tu le sais bien.
    Vierge sainte ! si elle le savait ! Mais ce n’était
pas là l’aveu qu’elle voulait lui arracher, et elle eut une moue
dépitée. Sotte qu’elle était d’avoir cru un instant à la bravoure
du Chico. Cette bravoure n’allait même pas jusqu’à dire deux
mots : « Je t’aime ! », Elle ne savait pas, la
petite Juana, que ces deux mots font trembler et reculer les plus
braves. Elle était ignorante, la petite Juana, et habituée à
dominer ce petit homme, elle eût voulu être dominée à son tour par
lui, ne fût-ce qu’une seconde. Ce n’était pas facile à obtenir. Peu
patiente, comme elle était, son siège fut fait. Pour elle, le Chico
serait toujours le bon chien fidèle, trop heureux de lécher le pied
qui venait de le repousser.
    Et dans son dépit, cette pensée lui vint, puisqu’il n’était bon
qu’à cela, de l’humilier, de l’amener à se prosterner devant elle,
de lui faire humblement lécher les semelles de ses petits souliers,
puisque ce brave n’osait aller plus loin.
    Et agressive, l’œil mauvais, la voix blanche :
    – Si tu ne sais rien, si tu n’as rien dit, rien fait,
qu’es-tu venu faire ici ? Que veux-tu ?
    Très pâle, mais plus résolument qu’il ne l’eût cru lui-même, il
dit :
    – Je voulais te demander si tu étais contente.
    Elle prit son air de petite reine pour demander :
    – De quoi veux-tu que je sois contente ?
    – Mais… d’avoir trouvé le Français… de l’avoir ramené.
    Avec cette impudence particulière à la femme, elle se récria
d’un air étonné et scandalisé :
    – Eh ! que m’importe le Français ! Ça, perds-tu
la tête ?
    Effaré, ne sachant plus à quel saint se vouer, il
balbutia :
    – Tu m’avais dit…
    – Quoi ?… Parle !…
    – De le sauver, de le ramener…
    – Moi ?… Sornettes ! Tu as rêvé !
    Du coup, le Chico fut assommé. Eh quoi ! avait-il rêvé
réellement, comme elle le disait avec un aplomb déconcertant ?
Il savait bien que non, tiens ! S’était-elle jouée de
lui ? Avait-elle voulu le mettre à l’épreuve ? Voir s’il
serait jaloux, s’il se révolterait ? Le seigneur de
Pardaillan, qui savait tant de choses, venait de le lui dire :
la femme qui aime ne déteste pas, au contraire, qu’on se montre
jaloux d’elle. Oui ! ce devait être cela. Mais alors, Juana
l’aimerait donc aussi ? Un tel bonheur était-il
possible ? Eh ! non ! il n’avait pas rêvé, elle
avait pleuré cette nuit, devant lui, et ses larmes coulaient pour
le Français. Il la voyait, il l’entendait encore !
Alors ?… Alors il ne savait plus. Il était profondément peiné
et humilié : pourtant l’idée d’une révolte ne lui venait pas.
Il était à elle, elle avait le droit de le faire souffrir, de le
bafouer, de le battre si la fantaisie lui en prenait. Son rôle à
lui était de courber l’échine, de subir ses humeurs et ses
caprices. Trop heureux encore qu’elle daignât s’occuper de lui,
fût-ce pour le martyriser. Un sourire d’elle et tout serait
oublié.
    Elle le guignait du coin de l’œil et jouissait délicieusement de
son trouble, de son effarement, de son humiliation. Elle eût voulu
le piétiner, le faire souffrir, le meurtrir, l’humilier, oh !
surtout l’humilier, lui qu’elle savait si fier, l’humilier au
possible, au-delà de tout… Peut-être alors se révolterait-il enfin,
peut-être oserait-il redresser la tête et parler en
maître !
    Est-ce à dire qu’elle était mauvaise et méchante ?
Nullement. Elle s’ignorait, voilà
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