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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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d’Oc et en Gascogne. En compagnie du fils aîné du souverain – désormais le roi Jean II –, Pierre de Bourbon avait fait halte à Cas telreng pour y boire et manger avant de se rendre à Puivert, distant de trois lieues. Il était revenu deux fois en cours d’année…
    « Ma démarche à moi fut vaine : le duc venait de partir au-devant du prince de Galles ! »
    Après avoir dévasté la Langue d’Oc, un an plus tôt, à l’automne 1355, le fils aîné du roi d’Angleterre venait de s’élancer sur le Périgord, le Limousin, la Saintonge, et menait sa malfaisance jusqu’à Vierzon, Tours, Romorantin, poussant vers le nord pour rejoindre Lancastre occupé en Normandie.
    – J’ai rallié l’armée à Meung-sur-Loire… Le 8 septembre. Là, le duc Pierre m’a traité en manant alors que le roi Jean m’accueillait courtoisement : il se souvenait de sa halte chez nous alors qu’il n’était que duc de Normandie
    (244) .
    Pourquoi donc à mi-voix, comme on prie ou soupire, remâchait-il encore cette déconvenue ? Mieux valait qu’il tendît l’oreille au remuement qui troublait tout à coup le silence. Oui, c’étaient bien des cliquètements de fer et des pas nombreux, et cette agitation inaccoutumée devenait un inquiétant vacarme : quatre ou cinq hommes d’armes gravissaient l’escalier par lequel on accédait à la cellule. Maintenant, ils s’arrêtaient sur son seuil. Aucun mot, juste des grognements. Un verrou crissait dans ses verterelles.
    « Viennent-ils me délivrer ? Vais-je enfin savoir ce qu’on me reproche et qui m’en veut ainsi ? »
    L’huis ténébreux béa sur des lueurs d’armures.
    Eh bien, non : il ne saurait rien ! Deux poignes ferrées précipitaient sur les dalles un homme au visage gonflé par les coups et dont le dos, à travers les déchirures de la chemise, portait des sillons sanglants. Et déjà le lourd battant se refermait si violemment que le chambranle en frémissait.
    Tristan saisit le blessé aux aisselles et le traîna jusqu’à son grabat. Tandis qu’il essayait de l’allonger, l’homme se dégagea sans façons ni gratitude et s’assit, le buste incliné, les mains à plat sur ses cuisses.
    – Les malandrins !… On voit à peine clair dans cette geôle !
    Il regarda le mur, en face, comme s’il était dépourvu d’importance et qu’il le pouvait défoncer d’un coup d’épaule, pour peu que l’envie l’en prît. Tristan se sentit exclu de l’intérêt d’un tel hôte. Fronçant les sourcils, il eut tout loisir de l’observer et conclut, en fin d’examen, que si le mot malandrins seyait pleinement aux gens d’armes qui avaient malmené ce robuste, il pouvait également déterminer son genre et ses façons.
    – C’est vrai, dit-il, qu’il fait sombre en ce lieu. Je m’y suis habitué – depuis le temps ! – et parviens à vous voir mieux que vous ne me voyez.
    Brun de poil et le cheveu presque ras ; le front haut, les sourcils fournis, fricheux ; la bouche épaisse et le menton gros et osseux, l’homme avait trente ans, pas davantage. Sa figure massive n’était pour l’instant vivante que par le regard immobile entre les paupières mi-closes, tel celui d’un lynx aux aguets. Il devait avoir des yeux gris-bleu. L’épaisseur et la fermeté de son buste, de ses bras, de ses cuisses révélaient une vigueur sauvage, engourdie présentement. Il mesurait au moins six pieds six pouces. Quant à savoir qui il était, d’où il venait et la raison de sa captivité, il fallait attendre.
    – Les fils de putes ! dit-il, les épaules soudain rejetées en arrière.
    – Je n’ai rien pour vous soigner, regretta Tristan. Savez-vous qui sont ces gens ? Moi, je l’ignore. Cela fait sans doute trois mois qu’ils m’ont pris. Quel jour sommes-nous ?
    – Mardi premier mars Faut-il louer ou réprouver votre patience ?
    – Vous pouvez vous ébaudir !… Si j’avais découvert le moyen de déguerpir, ce serait chose faite. C’est la première fois, depuis ma captivité, qu’ils ont ouvert cet huis pour vous enchartrer 2 … Vous allez me dire : « Et par les latrines ? » et je vous réponds : j’ai essayé, mais outre qu’on m’observe quand je m’y attends le moins, j’ai perdu la force nécessaire au descellement des pierres qui en forment l’assise… Et plus les jours passent, plus je doute de moi et de la Providence.
    Ils se turent, vidés de leur acrimonie. L’inconnu percevait enfin la
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