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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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s’était-il informé de son nom et de la couleur de sa chevelure. Il l’avait mariée, démariée, faite grosse, fessue et avenante, puis maigre et revêche. Peu importait son aspect. En essayant de lui donner un nom, des formes et un caractère, il combattait les effets d’un isolement que sans doute on voulait destructeur.
    C’était une autre femme qui, à six reprises, était venue l’observer derrière le guichet grillagé du grand huis. Chaque fois qu’il s’était approché de ce visage dont il n’apercevait que le front et les yeux pareils à des braises noires, celui-ci s’était promptement retiré.
    À quoi bon crier, exiger, supplier qu’on lui rendît justice !… Que lui voulait cet ennemi dont l’épouse ou l’amante se repaissait la vue de son abaissement ? Quel forfait lui reprochaient-ils ? Pourquoi, si leur détestation restait inaltérable, le gardaient-ils en vie ? Lorsque, las de fouiller dans sa déconvenue, il interrogeait son passé, il n’y remarquait aucune irrévérence, aucun manquement susceptible d’avoir provoqué un ressentiment de cette espèce. Il était cependant évident qu’il avait commis… quelque chose. Un délit ? Une offense ?… Quand ? Où ? Comment ? Au détriment de qui ?… Trois mois à vivoter dans ce silence hostile. Trois mois où toutes les conjectures touchant à cet emprisonnement demeuraient aussi vaines que ses fureurs. S’il n’avait guère dépéri, l’anxiété, la froidure et l’inertie commençaient à corrompre un esprit pourtant accoutumé, naguère, à la méditation et à la solitude.
    La vie montait vers lui par la cavité des latrines. Il advenait que des cris d’enfants et des voix d’adultes vinssent aggraver son dépit. Des meuglements et des hennissements révélaient la proximité d’une cité ou d’un village dont il méconnaissait le nom et l’importance.
    Il fut secoué par un nouvel accès de toux.
    « J’étouffe !… L’air passe mal par le trou à merde et par cette bouche de pierre, là-haut, pas plus large que mon poing, et dont le conduit fait un coude, puisque le ciel y est absent !… Je serai bientôt couvert de vermine ! J’ai un visage de broussaille et mes poils trempent dans ma pitance ! »
    Pour qu’ils n’eussent pas l’apparence de griffes, il se rongeait les ongles ou les frottait contre la muraille.
    – J’ai froid… J’ai hurlé qu’on me donne une courtepointe… Rien !
    Il repoussa le drap, se leva, se cambra. Les paumes appuyées sur ses reins, il marcha jusqu’à la porte – quatre pas –, jusqu’aux latrines – six pas. Se penchant, il entrevit des herbes et des orties et prit plaisir à les compisser. Revenant à son lit, maussade, il s’y laissa tomber de son haut.
    « Le roi me croit parti… À-t-il informé Tancarville 1  ? Si c’est oui, je suis perdu. Si c’est non, il s’est inquiété de mon absence. Il a dû charger Orgeville et Salbris de me retrouver… Oui, oui !… Confiance ! On a fait ce qui convient : on me cherche et mes ravisseurs seront châtiés ! »
    Il gardait souvenance, après le coup qui l’avait étourdi, d’avoir roulé quelque temps, allongé au fond d’un chariot, le visage embronché dans un heaume retourné dont le fer lui écrasait le menton et le nez. Ensuite, on l’avait soulevé, poussé, tiré. Aucun homme ne parlait… Un escalier à vis et des verrous grinçants. On l’avait délié et jeté sur ce lit…
    Ah ! Comme il regrettait, depuis, l’emportement qui l’avait fait « monter » à Paris dès l’annonce du mariage de son père avec Aliénor Assalit. Il ne reprochait point à l’épousée d’être la fille d’un lanternier de Mirepoix. Son courroux procédait de deux arguments simples. Tout d’abord la question d’âge. Veuf depuis l’épidémie de peste noire, Thoumelin de Castelreng avait quarante-huit ans, Aliénor dix-huit. Ensuite, c’était par déception, parce qu’il s’était rebellé, lui, Tristan, contre ses manœuvres, qu’à défaut de l’épouser, la jouvencelle s’était accommodée de son père. Etait-elle vraiment enceinte de ses œuvres, comme elle l’affirmait, et voulait-elle vraiment que leur fils eût un nom, son nom ? Mieux valait n’y point songer.
    Sitôt à Paris, il s’était présenté à l’hôtel de Bourbon. Le duc connaissait les Castelreng depuis l’année 1345, lorsque le roi Philippe VI l’avait nommé son lieutenant dans le pays de Langue
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