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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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déconvenue de ce prisonnier qu’il venait de houssepigner sans façon tandis que Tristan découvrait, étonné, qu’au lieu de l’affliger ou de l’irriter, ce prologue aigrelet l’avait revigoré. Il s’assit en tailleur sur les dalles, le dos contre la muraille, devant cet insolent issu des profondeurs du peuple, sans être tenté de l’examiner davantage ni de prononcer un mot susceptible de renouer l’entretien. Il avait fréquemment souhaité la présence d’un compagnon ; le sort lui offrait ce manant. Eh bien, il s’en accommoderait !
    – Deux mois et demi ! enragea-t-il d’une voix cassée, dolente, qu’il affermit aussitôt. Mon état était à peine moins piteux que le vôtre quand ils m’ont verrouillé céans !… Ils m’avaient heurté le genou dextre d’un grand coup de plat d’épée. Je l’avais gros comme une pastèque. La souffrance empirait dès que je remuais… Pour m’allonger, je devais m’asseoir puis, doucement, glisser ma jambe senestre sous le jarret de la jambe malade et, la soulevant ainsi, je l’amenais sur le lit… J’ai souffert mauvaisement quinze jours, au point que je craignais qu’ils ne m’aient brisé cette espèce de petit galet sous lequel le genou s’articule. Et quand la douleur fut passée, savez-vous ce que j’ai découvert ?… Eh bien, qu’elle m’avait tenu compagnie… Que sans elle, privé des précautions que je prenais pour remuer ma jambe, j’étais seul !
    – Faut être fou !
    Tristan fut insensible au trait qui lui était décoché : il n’atteignait que ses oreilles, point son honneur.
    – J’ignore pourquoi je suis ici, dit-il. Je ne sais quel mal j’ai commis et envers qui ! Nul sergent, nul geôlier ne m’a adressé la parole, et la seule voix que j’aie ouïe, une fois, c’était celle de la servante qui m’apporte la nourriture… Sais-tu à qui appartient ce châtelet ou cette maison forte ? Que te reproche-t-on, à toi ?
    Etait-ce l’effet du tutoiement ? Tristan se sentit dévisagé. Jugé sans qu’il pût discerner la sentence, car avoir été traité de fou ne signifiait rien, en l’occurrence : tout homme emprisonné, livré à la solitude et au silence, mais assez fort d’esprit pour résister au désespoir, se devait, pour vaincre le temps, de faire cas de tout, jusqu’au vol d’une mouche et au tissage d’une araignée. Encore heureux qu’il eût appris des chantefables comme Aucassin et Nicolette, des virelais et rondels d’Adam de la Halle, et se les fût récités quand la vacuité de cette geôle et l’incertitude de son devenir entraînaient ses pensées vers des noirceurs d’abîme.
    – Ce qu’on me reproche à moi, dit l’homme, c’est d’être entré dans la cour et d’avoir voulu m’y saisir d’un cheval… J’avais hâte de rejoindre quelques joyeux compères… D’Auxerre à Lyon, il y a bien quatre-vingts lieues !
    – Auxerre ! murmura Tristan, ébahi. Je ne puis être à Auxerre !… J’y étais quand ils m’ont assailli !… Ils m’ont jeté dans un chariot et nous avons roulé…
    À quoi bon en dire davantage à cet homme ostensiblement indifférent et qui, de plus, n’était pas de sa condition ! La prudence, d’ailleurs, s’imposait.
    – Je disais Auxerre parce que c’est, messire, la grande cité voisine d’où nous sommes.
    « Il m’a percé ! » enragea Tristan.
    – En vérité, reprit l’inconnu d’un ton léger, empreint d’une moquerie qui ne se voulait point offensante car il y prenait sa part, nous sommes réunis, hébergés tout près d’un bourg du nom d’Augy, au sud d’Auxerre.
    – Mais chez qui ?
    – Maison comtale, messire. Je m’étais informé avant de tenter mon coup. Cette demeure accouplée à un donjon où nous logeons sans doute, appartient au comte Jean III de Chalon-Auxerre…
    Une buée de sueur picota le dos de Tristan. Sa compassion envers lui-même se mua en fureur contre son absence de circonspection : il s’était cru victime d’un ou de plusieurs ennemis du roi Jean or, il avait, simplement, payé très cher une froideur trop apparente envers les moyens de séduction employés à son égard par dame Perrette Darnichot.
    – Satisfait, messire ?
    – Je viens seulement de tout comprendre… et t’en sais bon gré !
    À la fin de l’an 1361 – le 30 novembre –, neuf jours après la mort de Philippe de Rouvres qui avait régné sur la Bourgogne 3 , le comte de Tancarville avait
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