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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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temps d’immobilité où les battements de son cœur, vifs et douloureux, l’inquiétèrent. Pourquoi moi, Tristan ? Ai-je démérité de quelqu’un ? Alors qui ? »
    Avant même d’avoir prouvé au roi Jean qu’il était digne de sa confiance, il avait préjudicié à la mission dont celui-ci l’avait chargé.
    « Il croit en ma réussite et se loue de l’excellente idée qu’il eut de me préférer à je ne sais qui… Peut-être Orgeville ou Salbris. »
    Une quinte de toux lui lacéra la gorge. S’il semblait insensible à ses oraisons, le Très-Haut ne pouvait l’avoir abandonné. Ne l’avait-il point révéré de son mieux ? Que lui reprochait-il ? Quelle faute ? Quelle inconséquence ? Il était droit, loyal, bienveillant, serviable. Comme tout bon chevalier.
    « Dieu ne peut te faire grief d’avoir failli à tes devoirs envers Lui puisque tu t’es gardé de prononcer tes vœux. Prie-le copieusement, au contraire, afin qu’il te sorte de ce vil réclusoir et que tu poursuives ton ouvrage. Si tu étais libre à présent, tu pourrais… »
    Non ! C’en était fini des suppositions niaises. Il était emmuré vif, on le mortifiait ; aucun indice ne laissait augurer la cessation de sa captivité.
    « L’honneur est sauf. Un jour, tu t’ébaudiras en contant tes misères. »
    Aisée en apparence, la tâche que Jean II lui avait confiée s’était comme alourdie d’une importance outrée, lancinante. Chaque jour qui passait aggravait ce fardeau. Son escarcelle avait disparu. Le seul souvenir qu’il conservait de ses agresseurs ne l’instruisait en rien sur l’instigateur de son rapt : ils étaient quatre, armés de poignards et d’épées. Qui, parmi les ennemis du royaume, avait perpétré cette embûche ? S’agissait-il d’une méprise dont il avait fait les frais ? Peu connu à la Cour, on ignorait tout de lui en Bourgogne. Il n’avait subi aucun interrogatoire pour fournir à ses geôliers – d’ailleurs invisibles – des informations sur quoi que ce fut. Quant aux motifs de sa mission, ils eussent peut-être, une fois révélés, provoqué quelques rires. Ah ! Certes, ils paraissaient d’une simplicité dérisoire. Leur exécution, pourtant, supposait une détermination sans jactance, à l’opposé des prouesses en faveur dans la Chevalerie.
    Etait-il l’otage d’un Bourguignon furieux que son duché eût été réuni à la Couronne ? Sûrement pas : l’accueil réservé au roi et à sa suite avait été des plus chaleureux. Alors pourquoi ? Pourquoi, lui, Tristan ? Qui pouvait l’avoir emprisonné ? Dans quelle intention ? Pourquoi cet isolement sans faille ? Aucune bribe de son entretien avec Jean II le Bon ne pouvait avoir transpiré.
    – Ouvrez !… Relaxez-moi !… Le roi vous châtiera !
    Le silence absorba ses cris et sa colère.
    À peine dégagée d’une ombre moite, pareille à une sueur sécrétée par les pierres, la porte de sa geôle, renforcée de pentures énormes, le dissuadait d’ourdir des rêves de liberté. Mais que faire d’autre quand les souvenirs désertaient sa mémoire et que son oisiveté, sa quasi-cécité, son ignorance des aîtres, et surtout le silence dur, comme définitif, le pénétraient d’une détresse furibonde.
    La seconde embrasure, pourvue d’un volet de fer à l’extérieur d’un épais mur de refend, permettait tout juste le passage d’un plateau sur lequel il trouvait, invariablement, une écuelle garnie, quatre tranches de pain de gruau et un pichet de vin claret. C’était une femme qui, vers midi sans doute, apportait cette nourriture insuffisante pour un jour plein, mais bonne, et dont la viande, à l’exception des cuisses de volailles, était coupée. Même allongé sur le pavement rude, il ne pouvait rien voir de cette servante : le singulier soupirail avait été pratiqué au bas de la muraille. Femme ou jouvencelle ? Il l’avait quelquefois entendue chanton ner avant que, du bout du pied, elle tapotât le vantail pour lui signifier la livraison de sa pitance. Dans la soirée, au même léger frappement, il poussait le plateau, l’écuelle et le pichet dans l’ouverture. Une main preste les retirait. Dès le premier repas, il avait conservé sa cuiller : alors qu’il venait de la remettre à la servante, celle-ci l’avait projetée jusqu’à son ht d’un coup de pied si violent que sa sandale l’avait suivie. C’était la seule occasion où ils avaient ri. En vain
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