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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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poursuivit-elle en feignant de
ne pas ouïr afin de ne pas s’encolérer, et bien imprudente aussi de vous
fâcher, alors que j’attends de vous, présentement, des marques particulières de
votre affection…
    Cela fut dit avec un air de naïveté, à la fois vrai et joué
et un petit brillement, lui aussi très particulier, de son œil pervenche. Ce
mélange fit quelque effet sur mon père, car son corps perdit de sa raideur et
se penchant vers Madame de Guise qui levait vers lui un regard apparemment si
soumis, il dit d’un ton plus doux :
    — Madame, n’est-il pas absurde que vous ayez du goût
pour ce chien que voilà, alors même que vous détestez ce que vous appelez son
relent hérétique et qui n’est, en fait, que fidélité au feu roi et aux grands
intérêts du royaume ? Mais cela, je le crains, vous ne l’entendrez jamais.
Aussi bien, faisons un bargouin, voulez-vous ? Vous ne parlerez plus de
« chien » ni de « caque » et moi, je ne vous dirai pas que
les sanglots bruyants et publics par lesquels le pape a déploré à Rome la mort
de notre Henri, m’ont fait l’effet de ces larmes que l’on prête aux crocodiles.
    — Mais quelle horreur ! s’écria la duchesse en
lâchant sa main et en levant en l’air ses bras potelés, ma fé ! Quelle
méchantise de penser cela de Sa Sainteté ! Et qui pis est, de le
dire !
    Toutefois, elle ne protesta pas plus outre, car mon père,
souriant dans sa moustache de lui avoir lancé ce dernier trait, venait de la
prendre dans ses bras. Quant à moi, me glissant hors aussitôt, je gagnai le
cabinet d’études où m’attendait mon maître de latin, Monsieur Philiponneau.
    Je revis toutefois notre tendre visiteuse au dîner, sur le
coup de onze heures, notre logis, à la différence de l’hôtel de Guise, étant
bien réglé en ses horaires. Ma marraine paraissait fort satisfaite de sa
matinée et fut, comme en ses meilleurs jours, gaie et gaillarde, pétulante en
ses manières, drue et verte en son langage.
    Étant une proche amie de la reine, elle la voyait tous les
jours et nous racontait sur le Louvre bon nombre d’anecdotes que j’oyais d’une
oreille avide, surtout quand il s’agissait du petit roi.
    — Figurez-vous, dit-elle, que le lendemain d’un jour où
il avait été fouetté sur l’ordre de la reine, le petit roi entra dans ses
appartements. Aussitôt, comme l’exige l’étiquette, la reine se leva et lui fit
une profonde révérence. Louis dit alors d’une voix basse, mais bien
distincte : « Pas tant de révérences et un peu moins de
fouet ! »
    Là-dessus, Madame de Guise s’esbouffa.
    — Je ne sais, dit mon père, si la chose vaut la peine
qu’on en rie. Les pires conflits se trouvent là en germe. Dans le principe, il
est le roi et elle est sa sujette. En fait, elle détient tous les pouvoirs sur
lui, et comme régente, et comme mère. Et elle en use, je vous le dis entre
nous, sans discernement. J’ai ouï l’autre jour qu’elle l’avait puni, parce qu’il
l’avait heurtée en passant. Il s’excusa aussitôt, mais elle ne voulut pas
croire que c’était par mégarde. Et il fut fouetté. Et fouetté, non sur l’heure,
mais le lendemain à l’aube, comme cela s’est fait depuis le début en la maison
dont il est réputé le roi. À mon avis, ce châtiment à retardement dépasse les
bornes de l’odieux. Imaginez, m’amie, comment le pauvret passa le reste de la
journée – et de la nuit – à attendre ce fouet qu’il n’avait nullement
mérité.
    Mariette apportant un plat et le posant sur la table, avec
des airs gourmands, la conversation s’interrompit et ne reprit que lorsque la
bavarde eut refermé l’huis sur elle.
    — Que voulez-vous, mon ami ? dit Madame de Guise
avec un soupir, la reine n’est guère affectionnée à ses enfants, sauf peut-être
à Gaston. Elle aime être grosse, assurément, mais dès que le fruit tombe de
l’arbre, c’est elle qui s’en détache. Mon pauvre défunt cousin (c’est du feu
roi que Madame de Guise parlait ainsi) le lui reprochait assez. Quand l’un
d’eux était malade, peu lui chalait. « Qu’on le saigne ! »
disait-elle, la mine dégoûtée et sans même bouger son auguste cul pour l’aller
voir.
    — Madame, dit mon père, ce mot-là en parlant de la
reine !
    — Mais qu’est-ce ? dit Madame de Guise, en levant
la tête de ses viandes, mi-riant mi-fâchée, suis-je céans chez la marquise de
Rambouillet ? Cette funeste
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