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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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furieusement amassé sa vie durant.
Pendant ce temps, à Paris mon pauvre cousin est assassiné. La reine n’oublie
pas sa demoiselle d’honneur. Elle lui fait écrire et la petite Fonlebon
accourt, aussi sage que belle, aussi belle que bonne et, ce qui ajoute encore à
ses attraits, fort riche. Que vous faut-il de plus, mon beau filleul ?
    — L’aimer.
    — Quoi ? s’écria Madame de Guise, battant l’air de
ses bras et l’œil bleu noircissant en sa fureur, misérable coquelet ! Vous
avez le front de me dire que vous ne l’aimez pas ! Vous qui lui avez fait
à Paris une cour effrénée !
    — Madame, dis-je, j’ai parlé deux fois à Mademoiselle
de Fonlebon dans ma vie et chaque fois dix minutes. Lors d’une course à la
bague, sous l’œil épiant de Madame de Guercheville, ayant découvert que nous
étions cousins ; et une deuxième fois au Louvre alors qu’elle l’allait
quitter, sanglotante, pour les déserts du Périgord. C’est alors qu’ému par sa
beauté et son chagrin, je lui dis que, si j’avais l’occasion, l’été venu, de
visiter mon aïeul, le baron de Mespech dans le Sarladais, je pousserais à
cheval jusqu’à son logis pour la voir. À cela, Madame, s’est bornée ma cour
effrénée.
    — Si cela est vrai…
    — Mais c’est vrai, Madame !
    — Eh bien, si cela est vrai, il serait donc constant,
dit Madame de Guise, se calmant par degrés, que vous la connaissez assez peu.
Eh bien, épousez-la. Vous la connaîtrez davantage ! Ha, mon Dieu !
s’exclama-t-elle en jetant à sa montre-horloge un œil bleu et myope. Deux
heures ! Je dis bien, deux heures ! Dieu du ciel ! Et la régente
m’attend déjà depuis une demi-heure en son Louvre. Or sus ! Mon beau
filleul ! Courez dire à mon cocher que nous partons sur l’heure ! Que
dis-je sur l’heure, à la minute !
    Quand ma bonne marraine se fut envolée dans un grand
tournoiement de son vertugadin, mon père se rencogna dans sa chaire à bras et
demeura coi, paraissant goûter, comme moi-même, le retour du silence. Ce n’est
qu’au bout d’un assez long moment qu’il dit, mais à mi-voix, comme si après
tant d’éclats, il préférait les chuchotements.
    — Madame de Lichtenberg occupe-t-elle toujours autant
vos pensées ?
    — Oui, Monsieur, dis-je sur le même ton. Et j’ai bon
espoir, maintenant, de la revoir. Il semblerait, d’après sa dernière lettre,
qu’elle aperçoive la fin de ses problèmes de succession à Heidelberg et quelle
envisagerait de revenir à Paris.
    — Est-ce là la raison pour laquelle l’évocation de
Mademoiselle de Fonlebon vous a laissé de glace ?
    — Point tout à fait de glace, Monsieur mon père,
dis-je. Et permettez-moi de vous dire ce que pour un empire je n’aurais voulu
confier à ma bonne marraine : je trouve Mademoiselle de Fonlebon fort à
mon gré à tous égards. Et ce que Madame de Guise vient de nous conter de sa
bonté à l’égard de son grand-père n’a fait qu’ajouter à l’estime où je la
tiens.
    À ces mots, mon père me regarda avec attention, laissa
tomber un silence et dit, après avoir quelque peu hésité :
    — Alors, où en êtes-vous ?
    — Eh bien, dis-je au bout d’un moment, outre que je
n’aimerais pas porter à Mademoiselle de Fonlebon un cœur qui ne soit pas tout
rempli d’elle, me marier ne me semble pas présentement le plus urgent de mes devoirs.
    — Et celui-là, quel est-il ?
    — Monsieur mon père, vous avez servi Henri dans les
dents des plus grands périls. J’aimerais être pareillement utile à son fils.
    — Je vous approuve, certes, mais la chose ne sera pas
facile. Il faudrait d’abord parvenir jusqu’à lui ! Et c’est bien là le
hic ! La régente monte bonne garde autour du petit roi. En fait, elle
n’apprécie guère les dévouements et les fidélités qui ne s’adressent qu’à lui.
Elle y voit pour elle et pour son règne, qu’elle voudrait peut-être éternel,
une sorte de menace.
     
    *
    * *
     
    Comme il peut paraître étonnant que j’aie préféré aux
perfections de Mademoiselle de Fonlebon une femme qui, comme la Gräfin von Lichtenberg, avait le double de mon âge, je voudrais revenir sur le portrait
que j’ai esquissé d’elle dans le premier tome de ces Mémoires, afin peut-être
de faire entendre aux lectrices les plus sceptiques la sorte de fascination
qu’elle exerçait sur moi.
    Madame de Lichtenberg était grande et majestueuse, ronde
mais sans
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