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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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qu’on vous demande de mettre la tête sur le
billot ? Et croyez-vous que j’irais déterrer un laideron dans les
provinces pour que vous fassiez souche avec elle ? Que nenni ! Sachez
que j’aimerais être fière de mes…
    Elle allait dire « de mes petits-enfants », mais
elle se reprit :
    — De vos fils et de vos filles, afin que la beauté que
l’on voit dans votre famille, mon Pierre, se puisse par vous perpétuer.
    — Madame, dis-je avec un petit salut, je vous suis
profondément reconnaissant des sentiments que vous faites paraître à mon
endroit. Mais, pour vous parler à la franche marguerite, je me trouve trop
jeune pour me marier.
    — Trop jeune ? répondit Madame de Guise. Il y a
bientôt six ans que vous coqueliquez avec cette abominable Toinon.
    — Madame, dit mon père, vous êtes en retard d’une
amourette. Il ne s’agit plus de Toinon, mais de Louison.
    — Toinon ou Louison, reprit Madame de Guise peu
importe ! Ce sont là amoureuses de basse volée dont un gentilhomme peut se
contenter, comme on grignote un quignon de pain sur le bord d’un talus, après
une partie de chasse. Mais à votre âge, mon Pierre, et bien né comme j’ose dire
que vous l’êtes, reprit-elle en jetant un œil à mon père, il faut aspirer à
plus de grandeur.
    — Madame, dit mon père qui, voyant mon embarras, volait
à mon secours, avez-vous des candidates qui répondraient à ces
aspirations ?
    — J’en avais deux. Mais la première, Mademoiselle
d’Aumale, parle d’entrer au couvent à l’indignation générale.
    — Pourquoi cette indignation ? dit mon père.
    — Parce quelle avait dans sa corbeille, outre une
grosse fortune, un titre de duc.
    — Comment cela ?
    — Vous vous souvenez sans doute qu’Henri avait déchu le
duc d’Aumale de son titre pour avoir refusé de se rallier à lui après la prise de
Paris. En revanche, il avait promis à Mademoiselle d’Aumale de relever le titre
pour son futur mari, pour peu que celui-là reçût son agrément.
    — Exit donc Mademoiselle d’Aumale ! dit mon père.
Quelle serait, Madame, votre seconde candidate ?
    — Mais, Mademoiselle de Fonlebon, bien sûr.
    Mon père me jeta un œil et dit d’une voix unie :
    — Je connais son histoire.
    — Mais vous ne la connaissez pas toute !
dit ! Madame de Guise avec feu. La voici ! Le prince de Condé,
franchissant la frontière, cloître sa Charlotte à Bruxelles. Et dans le Louvre
désert, notre Henri verse des torrents de larmes. Cependant, allant voir la
reine, il se trouve nez à nez avec une de ses demoiselles d’honneur,
Mademoiselle de Fonlebon et il n’en croit pas ses yeux : c’est quasiment
le sosie de la princesse. Une sorte de petite pouliche blonde aux yeux bleus
devant laquelle tous les hommes se mettent à hennir.
    — Madame, dis-je avec véhémence. Mademoiselle de
Fonlebon mérite mieux que cette description.
    — En effet, dit Madame de Guise, échangeant un regard
avec mon père. La suite le prouve. Car notre vieil étalon hennissant fait à la
garcelette une cour à la soldate, et si j’ose m’exprimer ainsi, porte carrément
la main à ses rondeurs…
    — Je ne connaissais pas ce trait, dit mon père. Il me
semble qu’il va véritablement dans l’excès.
    — Cela y va, en effet. Mais la petite Fonlebon, à la
différence de Charlotte de Condé, n’est pas, comme dit votre Mariette, une ambivichieuse. La demoiselle d’honneur a vraiment de l’honneur. Tremblant pour sa vertu,
elle s’affole, elle s’enfuit, court se jeter aux pieds de la reine, lui dit
tout. Marie la presse sur ses vastes mamelles…
    — Madame ! dit mon père.
    — … la remercie de sa franchise, l’assure de sa
gratitude, de sa protection et d’une dot, quand elle se mariera et l’expédie en
Périgord tout de gob dans la châtellenie de son grand-père. Que désolant dut
être ce voyage ! Paris, la Cour, le Louvre, les bals, les fêtes et je ne
sais combien de candidats à sa jolie menotte, notre pauvrette quitte tout !
Et je vous passe les routes défoncées, les pluies diluviennes, les péages, les
auberges puceuses et quand elle parvient enfin au vieux nid crénelé de ses
ancêtres, c’est pour y trouver son grand-père quasi au grabat. La petite
Fonlebon a bon cœur. Elle l’accole, elle le baise, elle le soigne. Et au bout
d’un mois l’aïeul meurt, rasséréné, et lui lègue tout. Et ce tout n’est pas
rien ! Le vieux chiche-face avait
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