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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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partageant, je l’espère, l’émotion avec laquelle je décris
l’enfance et l’adolescence de Louis XIII –, je voudrais ajouter un
dernier mot. À la minute où j’écris ces lignes, on entend partout des
jérémiades pessimistes sur le destin de ce pays. Je les décrois et les rejette,
et je vais dire pourquoi : les Français s’intéressent trop au passé de la
France pour ne pas avoir foi en son avenir. Il en a été de même dans des
moments aussi tragiques que l’occupation allemande en France dans la dernière
guerre, et notamment en 1942. J’en veux pour preuve le fait que le beau livre
d’Émile Magne dont je viens de parler a connu en cette même année un éclatant
succès de librairie. Cela veut dire que, souffrant du froid, de la faim, de
l’inquisition de la Gestapo, des tristes exploits de la Milice, et des
persécutions racistes, les Français trouvaient encore plaisir et profit à
s’intéresser à la vie quotidienne sous Louis XIII.
    Robert MERLE 1993

 
CHAPITRE PREMIER
    Le vingt-sept mai au matin, comme nous déjeunions, tristes
et quasi muets en notre logis du Champ Fleuri, Franz nous vint prier de bailler
congé à notre domestique afin de lui permettre d’assister au supplice.
    — Tout le domestique ? dit mon père en haussant le
sourcil.
    — À l’exception. Monsieur le Marquis, de Margot et de
Greta, lesquelles ont le cœur si piteux qu’elles abhorrent le sang, fût-ce
celui du plus détestable criminel qui ait jamais rampé sur la surface de la
terre…
    Cette belle phrase dans la bouche de notre majordome m’eût
étonné, si je n’avais pas su qu’elle avait été prononcée, dans son dernier
prêche, par le curé Courtil.
    — Et Louison ? dis-je.
    — Monsieur le Chevalier, me dit Franz en me jetant un
œil et en baissant les paupières aussitôt, Louison fait la sieste à cette
heure-là…
    — Et toi-même, Franz, iras-tu ? dit La Surie.
    — Nenni, Monsieur le Chevalier, je demeurerai céans.
    En sa pudeur, il ne dit pas pourquoi et nul de nous ne le
lui demanda. Sauf exprès commandement de mon père, Franz ne s’éloignait guère
de sa Greta qu’il aimait depuis quinze ans de grande amour. Cette constance
plaisait fort à mon père, sans qu’il songeât à l’imiter. « Chez un
majordome, disait-il, dès lors qu’il détient une autorité telle et si grande
sur tant d’accortes chambrières, la fidélité conjugale est une émerveillable
qualité. Songez aux zizanies qui accableraient ce logis, s’il en allait
autrement ! »
    — Le pauvre Faujanet ira-t-il aussi ? demanda
encore La Surie.
    « Pauvre » était prononcé « povre » à la
périgourdine et exprimait l’affection plutôt que la pitié.
    — Nenni, Monsieur le Chevalier, dit Franz, sa jambe
cloche de mal en pis. Et il craint fort la cohue parisienne. En outre, comme
bien vous savez, même céans, il est de glèbe plus que de ville et se sent perdu
loin de son puits et de son potager.
    — En ton absence, Franz, c’est à Poussevent que revient
le commandement de la petite troupe, dit mon père. Mande-le-moi céans et les
hommes aussi.
    Ils vinrent tous les sept à la queue leu leu : le
géantin cocher Lachaise et son valet d’écurie ; le cuisinier Caboche et
son gâte-sauce ; Jeannot, notre petit vas-y-dire ; et fermant la
marche, nos deux soldats, Pissebœuf et Poussevent, tous deux barbus, ventrus et
musculeux.
    — Mes bons enfants, dit mon père, j’entends bien que ce
n’est point par méchantise que vous voulez ouïr ce misérable gémir dans les
tourments, mais uniquement pour vous conforter du profond chagrin que vous a
donné la meurtrerie de notre bon Henri. Mais, il y aura, autour de la roue, un
grand concours de peuple avec la milliasse d’excès et de désordres qu’une foule
exaltée engendre. Il faudra donc vous garder d’entrer en querelle, vous
défendre contre les coupe-bourse et les tire-laine et protéger nos chambrières
de l’impertinence des ribauds.
    — Nous y mettrons bon ordre, Monsieur le Marquis, dit
Poussevent d’un air vertueux.
    — Et pendant que vous y êtes, mettez aussi bon ordre à
vos propres conduites, poursuivit mon père. Je ne veux pas qu’un quidam vienne
demain me faire des plaintes sur mes gens. Et oyez bien ceci. Dès que le
supplicié aura perdu vent et haleine, point de flânerie ni de libation. Revenez
céans tout de gob : Greta vous aura préparé un goûter.
    Bien que nos gens fussent à nous si
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