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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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dévoués et si
affectionnés, ma bonne marraine, la duchesse de Guise, trouvait à redire à leur
petit nombre. « Pas plus de deux douzaines ! fit-elle un jour
remarquer. – Dix-sept, pour être exact. – Dix-sept ! Cette parcimonie
n’est pas digne de votre rang ! – Je ne mesure pas mon rang à cette
aune, répliqua mon père. Ce n’est pas le nombre de nos gens qui compte, mais le
service qu’ils vous rendent. Permettez-moi un exemple. On ne peut pas faire
deux pas dans votre hôtel sans se heurter à un grand pendard en livrée, qui
n’est planté là, les bras ballants, que pour la montre. Vous retrancheriez
vingt de ces fainéants, vous ne seriez pas plus mal servie. – Me
retrancher vingt de mes laquais ! s’écria la duchesse. Comme vous y
allez ! Pour qu’on dise partout que je suis ruinée ! – Mais vous
l’êtes ! – Que non ! La reine me renfloue, dès que je suis au
bout de mes pécunes. – C’est donc que vous ne comptez pour rien vos
dettes ! Je gage que vous n’en connaissez même pas le
montant ! – Vous avez raison, et puisque vous m’y faites penser, je
le demanderai dès ce soir à Monsieur de Réchignevoisin. – Le beau
chambellan que vous avez là ! Il vous vole pour enrichir ce nain dont il
est amoureux. Entre nous, comment pouvez-vous souffrir sous votre toit cette
bougrerie-là ? – Oh ! Monsieur ! Cela ne compte
guère ! Ce nain est si petit ! »
    Comme Louison tardait à venir partager ma sieste, j’eus le
loisir d’observer, par la fenêtre de ma chambre, le rassemblement de nos gens dans
la cour. Les hommes furent là les premiers et se permirent, mais à voix basse,
de petites gausseries sur nos chambrières qui, se parant et se pimplochant
comme pour aller au bal, avaient le front de les faire attendre. Il ne
m’échappa pas qu’ils se donnaient peine, dans leurs beaux habits, pour avoir
l’air sombre et résolu, comme il convient à de loyaux sujets qui vont voir
exécuter sentence sur un odieux régicide. Mais en même temps, ils ne pouvaient
tout à fait dissimuler le plaisir qu’ils se promettaient d’être les témoins de
ce mémorable événement, non plus que celui qu’ils auraient à le raconter, en y
rajoutant, à leurs fils et à leurs petits-fils.
    Ce contentement qu’ils laissaient percer sous leur mine
solennelle augmenta encore, quand apparurent enfin dans la cour nos
chambrières, si pimpantes dans leurs frais cotillons, le corps de cotte
décolleté et les manches courtes découvrant leurs beaux bras nus.
    — Allons ! dit Poussevent, la voix grave, mais
l’œil pétillant, nous avons du chemin à faire jusqu’à la Conciergerie. Partons
donc sans tant languir !
    Combien caractéristique, à y penser plus outre, me parut le
choix de cet itinéraire ! Car nos gens eussent pu rejoindre le gros de la
foule devant l’Hôtel de Ville où étaient dressés les vastes et solides tréteaux
sur lesquels la roue du supplice avait été très fortement arrimée, afin qu’elle
résistât à la traction que quatre puissants chevaux feraient subir aux quatre
membres du misérable afin de les arracher de son tronc. Mais que nenni !
Ils n’avaient rien voulu perdre ni manquer de l’affreuse procession qui devait,
dans un tombereau, amener Ravaillac de la Conciergerie (où on l’avait serré,
avec d’autres prisonniers, lesquels, tout criminels qu’ils fussent et d’aucuns
même promis déjà à la corde, l’avaient honni et hué) jusqu’à Notre-Dame de
Paris, où torche au poing, il devait faire amende honorable, et de là, à la
Place de l’Hôtel de Ville, où tout serait mis en œuvre pour prolonger son
supplice.
    — Ha, Monsieur le Marquis ! dit Poussevent de
retour au logis trois heures plus tard avec sa petite troupe, c’est miracle si
le misérable put sortir de la Conciergerie sans être écharpé ! Malgré le
grand nombre de gardes et d’archers qui l’entouraient, à peu qu’il ne fût mis
en pièces par la masse du peuple qui se rua sur lui dès qu’on le vit, d’aucunes
enragées femelles (dont les archers, vu leur sexe, se méfiaient le moins)
parvenant même jusqu’à lui pour le griffer et même le mordre, et ceci dans un
grondement de foule plus féroce que n’eût pu faire une centaine de lions. À la
parfin, le tombereau s’ébranla, mais alors, ce fut bien pis, car des fenêtres,
où d’antiques pécores s’étaient placées, n’osant s’aventurer dans cette masse
de peuple,
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