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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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elles firent pleuvoir sur Ravaillac, avec d’horribles cris, je ne
sais combien de pots de thym, de marjolaine et de basilic. Et fallait-il,
Monsieur le Marquis, que ces Parisiennes eussent les tripes échauffées par la
fureur pour sacrifier leurs pots bien-aimés, lesquels sont « tout le
potager quelles ont », comme le pauvre Faujanet aime à dire. Tant est que
le parricide eût été dépêché sur l’heure, si les bourreaux, dans leur prudence,
ne s’étaient armés de grands boucliers pour le protéger.
    — Et che protéger choi-même, dit Mariette
dont la langue parleresse de commère auvergnate ne pouvait longtemps tenir en
repos dans le clos de ses dents. Vu que les pots n’auraient pas choisi entre
les crânes encagoulés des bourreaux et la tête de che monchtre d’enfer.
    — Bref ! dit Poussevent en haussant la voix dans
un effort pour ressaisir le dé du récit, le tombereau, fort bringuebalant sous
la poussée de la hurleuse populace, parvint devant l’église de Paris où le
misérable fit amende honorable, une torche à la main, en chemise et pieds nus.
    — Pour che qui est de moi, dit Mariette, che n’ai point trouvé le Ravaillac en chemiche tant grand et muchculeux qu’on a dit, et pour chûr, point auchi fort compagnon que mon
mari.
    À cet éloge, Caboche sourit, mais sans mot piper pour la
raison que vingt ans de vie conjugale, sollicitant ses oreilles bien davantage
que sa langue, lui avaient inculqué la vertu du silence. Toutefois, son
gâte-sauce assurait que, debout devant ses fourneaux, il conversait sans fin
avec ses casseroles, leur demandant où en était la cuisson, si elle était trop
vive ou trop rapide, et encore si les mets quelles cuisaient trouvaient les
condiments à leur suffisance ou s’il fallait y rajouter.
    — Et où prends-tu, ma commère, dit Poussevent, qu’il
faille tant de force pour planter un couteau pointu et acéré dans le cœur d’un
homme, vu que ledit cœur est si proche de la peau ! Nous disions, en nos
guerres, que pour détourner un coup, mieux valait pourpoint de buffle que
pourpoint de toile et mieux valait cotte de mailles que pourpoint de buffle, et
mieux enfin valait cuirasse que cotte de mailles. Monsieur le Marquis, cela
est-il point vrai ?
    — C’est vrai, mais abrège, je te prie, Poussevent.
Greta vous attend, table dressée dans la cuisine.
    — Pour vous obéir, Monsieur le Marquis, dit Poussevent
avec un salut.
    Sur quoi Pissebœuf salua aussi, estimant, bien qu’il fût
resté coi, que le commandement d’abréger s’adressait aux deux.
    — Le gros de l’affaire, reprit Poussevent, se passa
devant l’Hôtel de Ville sur l’échafaud qui portait la roue. Les bourreaux ayant
retiré sa chemise à Ravaillac, l’y couchèrent dessus, nu comme un ver et
lièrent bras et jambes fort écartés sur les rayons. Pendant ces préparatifs, le
silence se fit comme par miracle dans le peuple qui se trouvait là, comme aussi
chez les dames et les seigneurs qui étaient assis sur les gradins qu’on avait
disposés devant l’Hôtel de Ville pour leur donner une bonne vue plongeante sur
le corps du misérable.
    —  Chans nos Choldats, reprit Mariette,
lesquels nous pouchèrent quachiment au premier rang, la vérité, ch’est qu’on n’aurait rien vu de l’affaire. Il y eut bien quelques faquins qui
apportèrent des échaches pour se haucher au-dechus des autres,
mais les voisins ne les chouffrirent pas et les firent choir auchitôt. Les plus heureux, voyez-vous, Monchieur le Marquis, furent encore
les enfants que les pères juchèrent sur leurs épaules, car nul ne songea à les
déloger, tant la chose parut naturelle à la populache.
    Mariette disait « la populache  » avec une
petite grimace, jugeant qu’elle n’en faisait pas partie, servant dans famille
noble depuis vingt ans.
    — Comme je disais, reprit Poussevent, il y eut un grand
silence, et du peuple, et de la Cour, pendant qu’on liait Ravaillac à la roue.
Mais les choses changèrent, quand les bourreaux commencèrent à le tenailler aux
mamelles, aux bras, aux cuisses, au gras des jambes, puis à verser sur les
plaies vives de l’huile bouillante et du plomb fondu. Le misérable, à chaque
nouveau supplice, criait comme possédé ! Et à ses cris répondaient
aussitôt les huchements de détestation des bonnes gens qui se trouvaient là.
    — Pour parler à la franche marguerite, dit Mariette, à
la parfin, j’en avais achez, moi. Tant plus che
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