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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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monchtre d’enfer
hurlait et tant pluch je me chentais partir en mésaise. Ma fé, je
ne m’en chuis chortie qu’en me disant que ch’était bien le moins
que le misérable pâtît les pires douleurs une heure ou deux chur chette terre, vu qu’il nous avait fait à tous tant de mal en nous rendant orphelins
d’un chi bon roi.
    — Ce qui, moi, m’est resté dans la gorge, dit soudain
Lisette – laquelle, à la différence de nos autres chambrières, tiges
solides issues des pays de France (ou d’Alsace comme Greta) était fleur du pavé
parisien, pâle, malingre, mais le parler vif et précipiteux –, c’est que
le peuple n’a pas voulu qu’on chantât à Ravaillac le Salve Regina, qu’il
demanda juste avant qu’on l’écartelât à quatre chevaux, sachant bien que sa
mort était proche.
    — Comment cela ? Le peuple ne l’a pas voulu ?
dit mon père. N’était-ce pas plutôt aux confesseurs d’en décider ?
    — Ainsi firent-ils, Monsieur le Marquis ! dit
Poussevent. Mais à peine eurent-ils entonné le Salve Regina que le
peuple cria plus que devant qu’il ne voulait pas que le Salve Regina fût
chanté et qu’il désirait de tout son cœur que le misérable allât droit en enfer
comme Judas. Et comme les confesseurs hésitaient à discontinuer le chant sacré,
les huchements reprirent de plus belle et d’aucuns sortant les couteaux,
menaçaient même d’étriper les confesseurs, tout grands docteurs de Sorbonne
qu’ils fussent… Tant est que ceux-ci se turent, étant dans le doute que les
archers pussent résister à l’assaut de ces furieux.
    — En quoi ces furieux furent bien peu chrétiens !
dit Lisette d’une voix douce et ferme. Je trouvai que là, on dépassait les
bornes, comme aussi dans la longueur des supplices avant l’écartèlement.
    — Mais c’est aussi, dit Poussevent, qu’on tâchait de
lui faire avouer par les tourments, s’il avait des complices qui l’auraient
incité à son infâme meurtrerie.
    — Et les avoua-t-il ? dit mon père.
    — Pas le moins du monde ! dit Poussevent en
secouant la tête. Vu que j’étais au premier rang, je l’ai ouï de ces oreilles
que voilà : « Je vous l’ai dit déjà, dit ce Ravaillac, et je vous le
dis encore : il n’y a que moi qui l’ai fait. » Mais se peut, dit
Poussevent, qu’on l’ait poussé à la meurtrerie par degrés sans même qu’il s’en
aperçût. Et quant à la sorte de gens qui firent ladite poussée et qui ne furent
pas de mesquine volée, j’ai comme un chacun ma petite idée de derrière la tête.
    — Alors, dit mon père sur le ton du commandement,
garde-toi de la faire passer devant ! Et vous tous ici, puisque l’occasion
s’en présente, sachez bien ceci : il y a un temps où l’on peut dire tout
haut sa pensée et un temps où il ne faut même pas penser ce qu’on pense.
     
    *
    * *
     
    Mon chagrin, lors de la meurtrerie du roi, fut si violent
que je passai quelques semaines avant de m’apercevoir qu’elle avait eu dans ma
vie une conséquence qui, si insignifiante qu’elle parût au regard de la
désolation de tout un peuple, n’était point pour moi négligeable. Henri mort,
je me trouvai désoccupé. Comme on le sait, à part Sully, le feu roi avait peu
fiance en ses ministres – ceux que, vu leur grand âge, on appelait les Barbons  –
et pour rédiger en langues étrangères les lettres secrètes qu’il adressait aux
souverains des autres pays avant de se lancer dans sa grande guerre contre les
Habsbourg, il avait fait appel à moi dans les derniers mois de son règne.
    Le sentiment d’être, à dix-huit ans, fût-ce le plus petit
auxiliaire d’un si grand roi, et dans des affaires de si grande importance,
m’avait comblé de joie. Comme aussi le fait d’être si souvent appelé au Louvre
et de pouvoir, avec la permission de Sa Majesté, visiter le dauphin Louis pour
lequel j’avais conçu, trois ans plus tôt, un extraordinaire attachement.
    Ce bonheur, cette joie, le sentiment de mon utilité me
furent ravis, quand Henri tomba sous le couteau de ce forcené. Dans le vide
qui, pour ainsi parler, se creusa en moi et autour de moi, je ne savais
véritablement plus que faire de ma vie.
    Assurément, je n’avais véritablement rien à attendre de la
régente. Ce titre de « petit cousin » qu’en sa grande bonté le roi
m’avait donné lors de ma présentation à la Cour, avait reçu de la bouche de Sa
peu Gracieuse Majesté, une addition
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