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Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Titel: Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
Autoren: Boris Thiolay
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Chacun de ces millions de petits documents rappelle l’existence d’un être humain. Nous ne pourrons jamais comprendre exactement ce que ces personnes ont enduré. Ni savoir, pour celles qui ne sont jamais revenues, quel fut le dernier son qu’elles ont entendu, la dernière image accrochée à leur rétine, ou bien encore vers qui s’est envolée leur ultime pensée. Nous ne pouvons que l’imaginer, en déchiffrant les éléments mentionnés sur les fiches. Car nous connaissons en revanche, avec une précision troublante, l’orthographe de leurs noms et prénoms, la date et le lieu de leur naissance, leur taille, la couleur de leurs yeux ou leur métier. Certaines fiches sont devenues des reliques. Voici celle d’Anne Franck, adolescente juive qui, du fond de la cachette familiale à Amsterdam, tint son journal intime, entre le 12 juin 1942 et le 1 er  août 1944. Déportée à Auschwitz, elle est finalement morte du typhus au camp de Bergen-Belsen en mars 1945, quelques jours après sa sœur aînée Margot. Nous avons tous en tête le visage d’Anne, avec son sourire. Qui se souvient de Margot Franck, de ses traits, de son goût pour les mathématiques plutôt que pour l’écriture ?
    La masse gigantesque de documents conservés par la Croix-Rouge fait défiler des cohortes d’inconnus, des listes de villes et villages européens dont nous ignorons tout et où nous n’avons aucune raison de nous rendre. La plupart de ces fiches n’ont été consultées qu’une seule fois, par l’employé chargé de les indexer dans le registre central. Elles dorment là, attendant qu’un arrière-petit-enfant, un universitaire, un simple curieux, ne vienne les tirer doucement du néant, à l’aide d’une paire de gants blancs.
    C’est juste avant que je ne quitte Bad Arolsen, au terme de ma deuxième journée de recherche sur les familles franco-allemandes reconstituées, que Kathrin Flor, l’attachée de presse de la Croix-Rouge, a attiré mon attention sur un point : parmi les archives disponibles, figuraient celles de l’organisation Lebensborn 1 .
    Le Lebensborn . Les « Fontaines de vie ». Nom poétique doté d’une puissance fantasmatique délétère, cocktail de nazisme, de sexe et d’expérimentations génétiques dévoyées… Certains ont voulu y voir des « haras humains », d’autres des « bordels SS », charriant toute une imagerie liée à notre insondable fascination pour le Mal. La réalité, du moins celle que l’on peut approcher, est encore ailleurs, mélange d’utopie monstrueuse et de parcours individuels, de petits arrangements pour survivre à une époque sans merci.
    Jusque dans les années 1970, en Allemagne, ces maternités SS étaient souvent considérées comme une rumeur. En 1985, Georg Lilienthal, un jeune historien spécialiste de la médecine nazie et de l’eugénisme, y consacre sa thèse. Publiée sous le titre Der Lebensborn e.V.  ( Le Lebensborn, association déclarée ), elle ne fut même pas évoquée dans les journaux et n’eut donc aucun écho. Le sujet était encore tabou. D’ailleurs, le livre, tout en démontant remarquablement la mécanique de l’organisation, ne s’attardait pas sur ses victimes principales, les enfants. Il a fallu attendre sa réédition dans une collection de poche très populaire, en 1994, pour que la question émerge enfin sur la place publique. Certains des 9 000 SS-Kinder (enfants SS) allemands ont commencé à sortir du silence. En Norvège, qui fut le premier pays où les nazis avaient « exporté » leur projet à partir de 1942, quelques-uns des 12 000 Tyskungar (« enfants de Boches », en Norvégien) ont osé réclamer justice au tournant des années 2000. Car, symboles vivant de la collaboration, ils furent l’objet de sordides vengeances après-guerre.
    Mais un autre pan de cette histoire ahurissante est tombé dans l’oubli : une nursery SS a existé en France, entre février et août 1944. C’était à Lamorlaye, en lisière de la forêt de Chantilly, à 40 kilomètres au nord de Paris. Une autre fut en service, de mars 1943 à septembre 1944, en Belgique, au château de Wégimont, près de Liège. C’est à Lamorlaye et Wégimont que sont nés Erwin, Gisèle, Walter, Christiane, Georges… Deux livres d’historiens français ont consacré quelques pages à ces lieux fantômes. Le premier, Au nom de la race , publié par Marc Hillel 2 , fit sensation, car il exhumait, documents à l’appui, la
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