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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons
Autoren: C.L. Grace
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que le vicomte se servait de sa barbe pour dissimuler ses joues grêlées, ravage causé par la petite vérole.
    Sanglier s'humecta les lèvres.
    —
    Votre Majesté, nous avons voyagé comme des chiens et dormi de même. La nourriture était soit brûlée soit à moitié crue et le vin avait un goût de vinaigre.
    —
    En êtes-vous d'accord? s'enquit le souverain en se tournant vers François Cavignac, gardien de la Chambre extérieure.

    Pour Louis, ce jeune homme aux cheveux noirs coupés court, au visage rond, aux yeux innocents, aux joues lisses et aux manières quelque peu affectées évoquait toujours un enfant de chœur.
    Cavignac ne s'en était pas moins révélé un espion des plus adroits et l'organisateur avisé des agents royaux à l'étranger. Formé à la Sorbonne, Cavignac était malin, rusé et sans pitié envers les ennemis du monarque. Roturier promu par Louis, seule son ambition personnelle l'emportait sur sa loyauté à la Couronne. En dépit de tous les efforts du roi, le vicomte de Sanglier n'avait rien découvert de surprenant parmi les habitudes de Cavignac, si ce n'est qu'il était un lettré éminent. Cavignac avait étudié en vue de la prêtrise et aimait envoyer des messages secrets codés basés sur les citations de la Bible. Sa vie privée n'intéressait pourtant guère le roi, qui ne se souciait que d'une chose : Cavignac était-il fidèle ? On n'en pouvait douter ! Le jouvenceau connaissait la loi des secrets de la maison de France. Toute trahison, même la moindre, signifiait la mort violente et immédiate.
    Louis se pencha en avant.
    — Je vous ai posé une question, Monsieur.
    Cavignac s'agita.
    — Je vous prie de m'excuser, Majesté, j'ai les genoux endoloris. Le vicomte dit vrai. Ma seule consolation pendant ce trajet fut la compagnie de mes collègues et l'idée de me trouver bientôt en votre présence.

    Louis sourit. Une moitié au moins de cette déclaration était exacte.
    Elle reflétait aussi l'intense rivalité pour gagner son affection qui dominait la vie de ces trois hommes.
    Le roi s'adressa à l'homme qui se trouvait à sa droite.
    — Et vous, comment vous portez-vous ? s'enquit-il.
    Sous sa cape militaire, Claude Delacroix, gardien de la Chambre intérieure, était vêtu de la bure noir et blanc des dominicains, bien qu'il ne fût pas frère et moins encore prêtre. Delacroix s'habillait ainsi pour respecter un vœu qu'il avait fait à ses parents : devenir frère dominicain. Mais dès que ses géniteurs eurent trépassé, il avait abandonné ses études sacerdotales pour se consacrer à la médecine à Montpellier. Devant cet homme maigre au visage émacié, aux joues sillonnées de rides, aux lèvres saillantes, aux yeux profondément enfoncés, Louis pensait toujours à une de ses levrettes favorites, musclée, rapide et méchante. Delacroix était doué pour les langues et parlait non seulement l'anglais et l'anglo-normand, mais aussi le latin classique, l'allemand et même la lingua franca des cités italiennes. Il dirigeait les agents de Louis en France, tout en pourchassant et anéantissant ceux des autres puissances. Il était aussi décidé que son maître à bouter Édouard d'Angleterre et ses belliqueux de frères, Richard de Gloucester et George de Clarence, hors de France. Un jour, ils reprendraient Calais, l'unique ville française tenue par les Anglais, et s'insinueraient entre l'Angleterre et l'ennemi mortel de la France - le seul grand seigneur qui menaçait l'unité du royaume, Charles de Bourgogne.

    —
    Le voyage a dû être surtout pénible pour vous, Monsieur, remarqua le roi.
    Delacroix leva la tête, les yeux plissés par l'amusement. Louis se flattait de ne rien ignorer des petits secrets de tous les gens de sa maison. Grâce à Sanglier, il connaissait de source sûre ceux de Delacroix, que sa passion dévorante pour la douce chair parfumée avait poussé à quitter l'ordre des dominicains. Delacroix était un visiteur assidu des courtisanes de la Maison de Joie sise au milieu de ses vergers et jardins, près de la porte Saint-Denis.
    —
    Nous avons voyagé, Votre Majesté, et sommes à présent ici pour vous servir, répondit Delacroix de la voix douce et mélodieuse d'un prêtre bien né.
    —
    Bon, déclara le monarque en se redressant, alors ne restez pas agenouillés céans comme des statues.
    Il y eut un moment de confusion tandis que les visiteurs avançaient des tabourets de cuir pour prendre place devant leur souverain.
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