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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons
Autoren: C.L. Grace
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pages de vélin crème, cousues avec soin, étaient vierges, dépourvues de toute marque, de tout symbole, de tout dessin. Sanglier parcourut le parchemin craquant puis ôta la couverture de cuir et examina avec attention les plaques rigides qui se trouvaient dessous.
    — Rien, constata-t-il en tendant le recueil à ses deux compagnons qui l'examinèrent à leur tour.

    Cavignac l'approcha d'une chandelle pour mieux le scruter. Delacroix le lui arracha alors des mains. Sanglier se mit à rire. Serrant son gobelet, le vicomte retourna s'asseoir. Il voulut boire, mais s'étrangla et cracha le vin sur le plancher. Delacroix lui jeta un coup d'œil furieux. Sanglier avait-il été averti de la petite énigme du roi ? L'avait-il déjà partagée avec son bon ami Cavignac ? Delacroix dissimula sa rage. Il y avait là, comme il l'avait murmuré à Louis, un mystère. Il y en avait eu un depuis la disparition de Marshall. Ces deux compères tentaient-ils de l'exclure ? Sanglier, le goupil, avec les secrets qu'il détenait sur Lord Henry Beauchamp ? Sanglier, qui se vantait sans vergogne d'avoir un espion au village même de Walmer ? Delacroix lança un bref regard à Cavignac, mais ce dernier avait reculé dans l'ombre comme pour cacher son visage.
    —
    Continuez, dit Sanglier avec un geste de la main. Mettez cet ouvrage en pièces. Sentez chacune de ces pages. Il n'y a rien. Ce n'est pas un livre de codes !
    Delacroix l'observa ; il ne put que se joindre aux rires. Sanglier alla verrouiller l'huis par lequel leur maître était sorti.
    —
    Buvons en l'honneur de l'Aragne ! proposa-t-il avec un large sourire. Il y a six mois, ajouta-t-il en s'essuyant les lèvres d'un revers de main, Sir Henry était à Paris. Nous savons qu'il y a rencontré les principaux espions d'Édouard d'Angleterre. Il paraît que William Marshall, le clerc de Lord Henry, a apporté un livre de codes. Bon, pour être bref, Marshall a disparu et le livre des codes aussi.

    —
    C'est vrai, affirma Cavignac, je m'en souviens. Il est allé ramer sur la Seine, n'est-ce pas ? Il s'est noyé ; on prétend que ce fut un accident.
    —
    Son corps n'a jamais été récupéré, reprit Sanglier. D'après ce qui a été rapporté, Marshall portait le livre des codes, qui a été perdu lui aussi. Et voilà que notre maître veut menacer Édouard d'Angleterre et lui faire croire...
    —
    ... que nous possédons le livre des codes, continua Cavignac.
    Sanglier acquiesça et leva son gobelet.
    —
    Imaginez la confusion qui en résultera !
    Grand-mère Croul n'était pas née à Walmer mais à plusieurs milles au nord. Elle était venue au village en tant que jeune épouse de Crispin le charpentier. Quand il était mort de la suette, grand-mère Croul avait épousé Ambrose, l'apprenti, qui avait été pendu pour avoir trempé dans des vilenies. Grand-mère Croul avait donc vieilli seule dans sa chaumine de deux pièces avec son sol de terre battue et sa soupente, près de Blacklow Copse, un petit bois à la limite du village de Walmer. La chaumière possédait un atelier en ruine et une écurie de fortune, tous deux vides à présent. Grand-mère Croul se fiait davantage à sa canne qu'à un coûteux palefroi. Ce jour-là, veille de la Saint-Michel, quand les premiers horribles empoisonnements eurent lieu, elle était déjà inquiète. Le soleil commençait à se coucher. Elle s'était promenée dans son jardin de simples pour se retrouver parmi les plantes maléfiques, ces herbes mortelles - belladone, digitale, ciguë vireuse - qui pouvaient arrêter les battements de cœur en quelques secondes. Grand- mère Croul ne les cultivait pas pour cette raison mais parce que, à petites doses, elles pouvaient être bénéfiques à l'estomac et au cœur. Elle s'en méfiait beaucoup. Bien qu'elle crût de toute son âme au Christ Jésus, elle avait une claire conscience des démons, esprits malfaisants et autres gobelins qui hantaient marais et bois. Elle prenait les plus grandes précautions quand elle arrachait la mandragore. Elle ne l'extrayait du sol qu'avec une corde fixée au bout de sa canne.
    Gog et Magog, les deux chats de grand-mère Croul, deux matous tigrés, chasseurs nocturnes et terreurs des oiseaux des environs sans parler de la vermine qui arrivait en masse des champs avoisinants, l'accompagnèrent dans le jardin. La vieille femme se réjouit de leur compagnie car son malaise s'exacerbait. Elle avait fait des rêves et des cauchemars. Elle avait aperçu
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