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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons
Autoren: C.L. Grace
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CHAPITRE PREMIER
    « Le manant disait une chose, mais en pensait une autre. »
    Chaucer, « Le conte du Frère », Les Contes de Cantorbéry Louis XI, roi de France par le courroux de Dieu, péchait. Louis était fort satisfait. Il avait parcouru la vallée de la Loire en tous sens, séjournant dans ses résidences royales pour s'assurer du bon état de sa ménagerie, en particulier de celui de son éléphant, d'un chameau plutôt lourdaud, sans parler des léopards, des autruches et autres bêtes sauvages. Louis, quant à lui, était une aragne faite homme. Si Paris était le centre de sa toile, il l'avait pourtant tissée de telle façon qu'aucune ville, aucune province de France ne lui échappe. Louis était content. Il s'était montré plus habile et plus rusé que ses ennemis mais, bien qu'il aimât son pays, il ne lui faisait pas confiance. Ses étroits sentiers forestiers tortueux étaient fréquentés bien avant l'époque de César. Des rebelles pouvaient s'y tapir, y tendre des embuscades, y ourdir la trahison et préparer le régicide. Par conséquent, Louis, qui ne pouvait tenir en place, poursuivait ses incessants déplacements plus par voie d'eau qu'à cheval ou en voiture. Il naviguait sur les rivières de France à bord de bateaux qu'il avait lui-même dessinés. Splendides bâtiments, c'était de grandes barges sur lesquelles il avait édifié des maisons de bois avec des cheminées, des fenêtres garnies de verre et tout le confort d'un palais.

    Louis aimait chasser, aussi bien les proies de la forêt que quelque puissant noble ou marchand regimbant devant sa loi. Il venait d'écraser une rébellion sur les frontières de la Bourgogne. Un peu plus loin sur le fleuve se trouvait une embarcation chargée des cages dans lesquelles il avait enfermé ses principaux prisonniers. Il en userait comme il le faisait des animaux de sa ménagerie : il montrerait au peuple qui était le roi. Nulle force humaine ou animale ne pouvait échapper à sa poigne. Sur la barge des prisonniers il avait fait ériger des perches qui supportaient les têtes coupées d'autres traîtres ; il avait coiffé l'une d'entre elles d'un capuchon bordé de fourrure pour mieux la distinguer. A présent, il se reposait. Levant les yeux vers le ciel bleu, il serra sa canne à pêche. La nuit précédente, un trait de feu, une comète enflammée, une boule incandescente avait déchiré les cieux. Il se demanda si c'était un avertissement. Mais quelle importance ? « Alea jacta est, le sort en est jeté ! » murmura-t-il. Il devait affronter les dangers, quels qu'ils soient. Il avait distribué de l'argent aux lieux de pèlerinage et aux églises les plus proches, ordonné qu'on dise des centaines de messes spéciales pour écarter tout péril. Il avait aussi promis à saint Martin de Tours, le saint patron de la France, d'enclore son tombeau d'une grille de métal rutilant qui, véritable œuvre d'art, serait fondue dans onze mille livres de l'argent le plus fin. Il avait envoyé des messages à Amboise où son jeune fils, le dauphin Charles, vivait sous bonne garde, à l'abri non seulement d'un possible enlèvement mais aussi des redoutables effets des innombrables maladies qui infestaient les routes et les villes de son royaume.
    Louis était heureux d'être loin de ces endroits-là, et surtout de Paris ; le carillon de ses cloches lui était une constante source d'exaspération, ses rues bondées et resserrées - où idées et peurs nouvelles croissaient comme des mauvaises herbes sur un tas de fumier - représentaient une perpétuelle menace pour son pouvoir.
    —
    Votre Majesté ?
    Le roi tourna la tête.
    —
    Votre Majesté ? répéta le jeune écuyer. On dit que Satan a attaqué la flèche d'une église la nuit dernière, qu'il l'a réduite en cendres. On peut encore distinguer les griffes du démon de haut en bas sur les murs.
    — Est-ce vrai ? marmonna le souverain.
    Il se retourna comme la canne à pêche tressautait. S'agissait-il d'un démon, s'interrogea-t-il, ou juste de la foudre ? Un érudit lui avait un jour expliqué que les bâtiments qui se dressaient vers le ciel attiraient souvent le feu céleste. Il devait, néanmoins, s'en assurer. Louis s'entourait toujours de précautions. Il avait dit aux envoyés dépêchés auprès de son fils qu'il fallait veiller à suspendre un couteau d'acier au-dessus du berceau de l'enfant et à placer des pots de sel à chaque coin de la pièce. L'acier et le sel, sans parler des
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