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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons
Autoren: C.L. Grace
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sorcière. Elle possédait, dans son écritoire, au fond du cottage, de quoi se protéger contre ces accusations. Elle détenait une lettre de la cour de l'archidiacre de Cantorbéry qui louait son savoir-faire et lui accordait la bénédiction de l'archevêque pour son travail en cette ville quand elle s'y était rendue en pèlerinage, à l'époque de la peste.

    Grand-mère Croul leva les yeux vers le ciel qui s'assombrissait. Alors pourquoi s'inquiétait-elle ? Elle lança un coup d'œil vers les pignons saillants du clocher de Saint-Swithun. Ah, c'était ça ! La veille, dimanche, les paroissiens qui assistaient à l'office du matin avaient eu la surprise de découvrir, griffonnés sur le sol près des fonts baptismaux, les mots « Mane, thecel, phares ». Personne n'en ignorait la signification. Ils figuraient sur l'une des fresques du transept qui représentait de façon saisissante le prophète Daniel dans la fosse aux lions. Au-dessus, dans un phylactère, se trouvait cette citation du Livre de Daniel, chapitre cinq : « Mane, thecel, phares : compté, pesé, divisé. » On avait expliqué aux fidèles, même à ceux qui ne savaient ni lire ni écrire, le sens du dessin et des étranges termes écrits au-dessus. C'était le doigt de Dieu qui avait inscrit cet avertissement sur le mur d'un roi païen juste avant d'anéantir le pouvoir de ce roi. Le père Clement, prêtre de la paroisse, homme bienveillant d'ordinaire, qui demeurait au presbytère avec sa sœur Amabilia, était sorti de ses gonds. Après la messe, encore vêtu de ses habits sacerdotaux vert et or, il était monté en chaire.
    — Ceci est la maison de Dieu ! avait vitupéré le prêtre, les yeux flamboyants dans son pâle visage émacié. C'est la maison de Dieu et la porte du Paradis ! Un endroit redoutable qui abrite le Fils de Dieu et une cohorte d'anges. Comment quelqu'un a-t-il osé tracer ces mots sur le sol de notre église ?
    Puis le père Clement était passé à d'autres sujets comme si le blasphème avait déverrouillé les portes de son cœur. Il avait tonné contre ses ouailles, leur reprochant leur égoïsme, leur insouciance, leur jalousie et leur malveillance. Il avait même fait allusion à des péchés secrets, mais s'était contenu. L'assistance avait été mortifiée.
    Le père Clement était en général doux comme une colombe. Ce matin-là pourtant il ressemblait davantage au prédicateur itinérant, la peau tannée par le soleil, les cheveux et la barbe hirsutes, qui était arrivé à Walmer peu de temps auparavant. Inquiétante silhouette au pied de la croix du village, il avait prophétisé que le Jour de Colère était proche et que le courroux divin ne tarderait pas à se faire sentir.
    Grand-mère Croul s'humecta les lèvres et huma le vent : la saison changeait, elle sentait l'odeur de pourriture de l'automne. Tout déclinait, s'était-elle dit une heure plus tôt alors qu'elle était assise parmi les autres membres du conseil paroissial dans le presbytère. Ils avaient parlé de ce curieux prédicateur qui, sorti de nulle part, errait dans le village et prêchait près de la croix du marché. Grand-mère Croul avait observé les visages autour d'elle. Le père Clement et Amabilia semblaient las. Benedict le tabellion et Ursula, sa femme, étaient anguleux comme d'habitude mais plutôt renfermés ; Roger le médecin se montrait arrogant, comme à l'ordinaire ; Simon le bedeau et Walter le sergent avaient tous les deux trop bu. Elias et Isabella, chose étrange, avaient prévenu de leur absence. C'était peut-être ça.
    Le maréchal-ferrant était un braillard, toujours prêt à envenimer les débats en se querellant avec Adam l'apothicaire, mais même le marchand de potions et de poudres était pensif. L'atmosphère s'était tellement alourdie que grand-mère Croul avait présenté ses excuses et était partie. Elle était néanmoins encore troublée. Walmer ressemblait à tout autre village, et cependant la vie n'avait plus jamais été la même depuis la fin de la guerre quand ces lancastriens - trois survivants de la grande bataille à l'Ouest cherchant à passer à l'étranger, un écuyer et deux archers qui voyageaient déguisés -
    étaient arrivés à Walmer. Bien sûr, on les avait vite reconnus pour ce qu'ils étaient. La nouvelle des victoires d'Édouard d'York avait déjà couru dans tout le royaume et malheur à qui aiderait les lancastriens en fuite ! Et quand les trois hommes avaient voulu demander
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