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Le talisman Cathare

Le talisman Cathare

Titel: Le talisman Cathare
Autoren: Jean-Luc Aubarbier
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d’hérétiques.
    — Faites-moi confiance, messire sénéchal, je vais écraser cette coquille de noix. »
    Durand de Beaucaire s’attela à la tâche. De nouveaux éléments, encore plus lourds, furent hissés sur le pog. Bien des ouvriers périrent en chutant dans les précipices, entraînés par le poids de leur encombrant fardeau. Mais en deux semaines, l’évêque d’Albi avait érigé la plus gigantesque catapulte qu’ait connue la chrétienté. À peine tenait-elle sur le minuscule éperon rocheux. Lesservants opéraient à moitié dans le vide et les pesants projectiles s’agglutinaient sur la pente, retenus pas des cales de bois. Les éléments se mirent de la partie, comme si le ciel avait choisi son camp : le froid devint sec, le vent chassa les nuages. Le brillant soleil d’hiver donnait une visibilité parfaite sur Montségur.
    La catapulte écrasa le village de toile et de bois bâti à l’opposé du camp croisé, et que protégeait jusque-là l’obstacle du château. Les fragiles cabanes, les foyers, les lieux de prière furent réduits en miettes et plus d’un habitant perdit la vie dans ce bombardement. Les communautés religieuses abandonnèrent la place et se réfugièrent dans le fortin, sexes et conditions mêlés sans distinction ni pudeur. Les femmes et les enfants gênaient la manoeuvre des soldats ; les Parfaits tentaient vainement, par d’illusoires séparations de tissus, de préserver leur nécessaire pureté.
    Puis la catapulte orienta ses tirs vers le château. D’énormes boulets s’abattaient sans relâche, jour et nuit, épuisant les défenseurs, éventrant les murs, crevant les plafonds. Des pluies de flèches pénétraient par ces ouvertures, rendant dangereux tout déplacement. Les vivres vinrent à manquer. Dès le 21 février, Pierre Roger de Mirepoix dut rationner le peu de fèves qui restait et veiller à une équitable distribution entre les survivants. Toutes les denrées furent mises en commun. Le trébuchet des cathares fut à son tour mis hors d’état de nuire. Alors les croisés se lancèrent à l’assaut. Poussant des cris furieux, les soldats se jetèrent en avant en traînant des échelles, car leur position était encore en contrebas des défenseurs. On se battit sous les murailles, sur les brèches des fortifications. Bernard s’était fait discret depuis son échec devant la tour. Son crédit de soldat s’était effrité et il avait perdu son statut de Parfait. Il n’avait pas revu Alix. Mais l’âge n’avait pas affaibli son ardeur guerrière ; il fit un grand carnage des assaillants. Beaucoup tombèrent pour la défense de leur foi, mais les troupes du roi refluèrent.

    Bernard entra dans la salle, encore préservée de la ruine, où l’on avait entassé les morts et les blessés graves. Les Parfaits priaient pour les mener à bonne fin, leur faisant baiser le livre saint. Il voulait saluer ses frères d’armes, tombés à ses côtés : les chevaliers Bertrand de Bardenac et Guillaume de Lahille, les sergents Pierre Vinol et Bertrand de Carcassonne. Conscients ou déjà dans les limbes, ils recevaient le consolament ou l’approbation de leur convenanza. La tristesse d’un avenir désespérant s’ajoutait à l’horreur des blessures, des membres tranchés, des corps fracassés. Les défenseurs mouraient comme mourait la foi cathare. Bernard se sentait un cadavre en sursis.
    Quand son époux apparut, couvert de sang, Alix ne put réprimer un mouvement d’horreur et de dégoût. Il quitta tristement la pièce, laissant ses camarades en de meilleures mains que les siennes. Il avait le sentiment intime de n’être plus rien ni personne.
    1 Dans la religion cathare, convention passée entre un fidèle et un Parfait qui attribue au premier, par anticipation, les bienfaits du consolament.

35

    Montségur, mars 1244.
    Le second jour de mars, Pierre Roger de Mirepoix fit réunir les responsables militaires et religieux de Montségur. La situation n’était plus tenable ; le prochain assaut enlèverait le fortin que continuaient de harceler les tirs de la catapulte géante. Les femmes et les enfants, les soldats eux-mêmes, étaient à bout de nerfs.
    « Il nous faut décider aujourd’hui si nous voulons rester maîtres de notre destin, déclara le seigneur de Mirepoix. Il est impossible de résister plus longtemps dans un château en ruine où s’accumulent chaque jour les décombres, les blessés, les cadavres. Nos réserves en vivres
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