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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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flancs du mont Carmel.
    – Puis-je
vous lire mon dernier poème ? demanda tout à coup Soliman.
    Sans
attendre l'approbation, l'adolescent déclama :
     
    « Un arc-en-ciel dans ma main m'a blessé.
    Je n'exige du soleil qu'une orange
    et l'or qui coule de l'appel à la prière
    Ici, sur les pentes des collines,
    face au couchant, près des vergers à l'ombre coupée,
    je me meurs d'espoir. »
     
    – C'est
toi l'auteur de ces vers ? s'exclama Nadia.
    L'adolescent
confirma.
    – Allons,
allons, gronda Hussein. Soyons sérieux.
    – Wahiat Allah ! Par Allah, je vous assure que je
dis la vérité. Je viens de les écrire, à l'instant.
    – Il dit
vrai, confirma Mourad, je l'ai observé. Le poème est bien de lui.
    Hussein se
décida à lâcher le tuyau du narguilé.
    – À seize
ans ? Où vas-tu chercher des phrases pareilles ?
    – Nulle
part. Elles sont en moi. C'est comme une voix qui me parle. Je ne fais que
recopier ce qu'elle me dicte.
    – Tu
serais habité par un djinn ?
    – N'écoute
pas ton père, mon fils, le djinn, il est dans sa tête.
    Nadia
s'approcha et lui caressa les cheveux.
    – C'est
bien, habibi, mon chéri,
c'est bien. Tu es un grand poète. Tu seras le poète de la Palestine.
    – Oui,
ricana Hussein. Et il se nourrira de ses poèmes et ses enfants mangeront de
l'air.
    – Pas du
tout, père, rétorqua le garçon avec un large sourire. Je me nourrirai de nos
oranges. Et mes enfants aussi.
    – De mes oranges ! rectifia Hussein. Pour l'instant, ce sont mes orangeraies !
    – Bien
sûr, baba, mais tu ne
laisseras pas ton enfant mourir de faim, n'est-ce pas ?
    – Arrête
cette comédie, s'exclama Mourad. Tu es ridicule.
    Changeant
brusquement de sujet, il leva la main en direction du groupe de maisons non
loin du port, qu'il avait observé durant toute la soirée.
    –
Savez-vous ce que ces Allemands sont venus faire à Haïfa ?
    – Tu veux
parler de la famille Hoffman ? questionna Nadia.
    – Oui. On
dit qu'il se passe des choses bizarres chez eux. Qu'ils sacrifient des animaux.
    – C est
stupide ! Je croise souvent la femme
et sa fille quand je vais au marché. Un jour, ils m 'ont même invitée à boire un café chez eux. Ils sont
adorables.
    – Ils ne se
font pas appeler les « gens du temple [18]  », ou quelque chose dans ce
genre ?
    – Je crois,
oui. D'après Magdalena, la femme, ils sont venus en Palestine pour préparer le
retour de Jésus et veulent vivre comme autrefois les premiers chrétiens.
    – Que Satan
les engloutisse ! pesta Hussein. Ils passent leur temps à créer des
exploitations agricoles ! Ils en ont bâti une dans la vallée de Jezreel,
en Galilée, une autre près de Jaffa, une autre encore je ne sais où !
    Il
s'interrompit et leva les yeux vers Mourad.
    – À propos,
tu m'accompagneras demain matin au port pour m'aider à préparer l'envoi pour
Beyrouth.
    Le jeune
homme fit oui de la tête, sans enthousiasme.
    Nadia
replia le métier à tisser qu'elle rangea dans un coin de la terrasse, puis elle
prit dans ses bras la petite Samia qui dormait toujours à poings fermés.
    – Je vais la
coucher.
    Elle
poursuivit, à l'intention de Soliman :
    – Vous
aussi, monsieur le poète, venez. Il se fait tard. Dès qu'ils furent seuls,
Hussein reposa le tuyau de son narguilé et demanda à Mourad :
    – Que se
passe-t-il ? Ne me réponds pas que tout va bien. Je t'observe, et je vois
bien tu n'es pas dans ton assiette. Alors ?
    – C'est
vrai, père. Voilà un an – depuis que
j'ai quitté l'école – que je
travaille à tes côtés. Et... je suis un peu las. J'étouffe, même.
    – Et moi,
voilà quarante-quatre ans, maugréa Hussein, surpris et agacé par l'aveu de son
fils. Et je n'ai pas eu, comme toi, la chance de finir mes études. Quand ton
grand-père est mort, j'avais à peine quatorze ans. J'étais le seul garçon. J'ai
dû assumer toute la famille. Ma mère et mes deux sœurs. J’ai dû me battre pour
conserver l'héritage et le faire fructifier. Tout seul. Aujourd'hui, si nos
terres dépassent les milliers de dounoums [19] , c'est
bien grâce à mon labeur.
    – Je sais,
père. Et sache que je t'admire. Mais où est-il écrit que si les parents ont
souffert, les enfants doivent souffrir aussi ?
    – Bala
falsafa ! Trêve de philosophie. Si tu m'expliquais plutôt ce
que tu veux vraiment ?
    – J'aimerais
reprendre des études.
    Hussein
réprima un sursaut.
    – Des études ?
    – Oui,
père.
    –
Décidément, tu me
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