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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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française. La seconde, avec la ville de
Kirkouk, dans l'escarcelle anglaise. Une zone internationale serait constituée
en Palestine, et même la Russie tsariste ne se verrait pas oubliée : on
lui avait réservé les détroits du Bosphore et quatre provinces ottomanes
proches du Caucase.
    En
quelques coups de crayon, à l’insu des populations concernées, une région monde
était passé d’un occupant à l'autre.
    Lord Grey
esquissa un sourire ironique.
    —               Les Arabes, avez-vous dit ? Mon cher, vous savez bien qu'en tant que nation les Arabes
n'existent pas. Ils ne sont qu'un agrégat de tribus. D'ailleurs, si nous nous y prenons correctement, ils resteront ce qu'ils
sont : un tissu de
petites factions jalouses les unes des autres et incapables de cohésion .
    Il répéta
avec indifférence :
    – Un
misérable agrégat de tribus.
    Levent
objecta, étonné de ce mépris :
    – Votre
agent, le capitaine Lawrence, a tout de même réussi à les unir et les a
persuadés de combattre en votre lieu et place l'ennemi turc, en Arabie ;
ce qu'ils firent avec un étonnant courage.
    – C'est
exact, concéda lord Grey.
    – En
contrepartie, ne leur avez-vous pas promis qu'ils régneraient en toute
indépendance sur les territoires libérés ? N'avez-vous pas assuré à leur
chef, Hussein ibn Ali, le chérif de La Mecque [5] qu'il obtiendrait la présidence
de la future Confédération arabe ? L'Angleterre ne s'est-elle pas
formellement engagée à donner l'Irak et la Syrie à Fayçal, le fils aîné du
chérif, et les terres situées sur la rive orientale du Jourdain [6] ainsi que la Palestine à son
autre fils, Abdallah ? Autant de promesses faites au nom de la couronne
britannique et avec l'approbation de la France [7] . Je...
    Lord Grey
leva brusquement la main, le visage soudain tendu.
    – Un
instant, monsieur Levent. Ai-je bien entendu ? Au nom de
l'Angleterre ? De la France ?
    Il fixa
Paul Cambon avec une expression qui se voulait outrée :
    – Étiez-vous
au courant ? Nos gouvernements auraient-ils fait de telles
promesses ?
    L'ambassadeur
de France se racla la gorge.
    – Je n'en ai
jamais entendu parler.
    Lord Grey
se tourna vers Levent avec un large sourire.
    – Vous
voyez ?
    –
Pourtant, le capitaine Lawrence...
    – Les
promesses du capitaine Lawrence n'ont jamais engagé que lui. Si vous nous
disiez plutôt où vous voulez en venir ?
    – Monsieur
le ministre a raison, renchérit Cambon. Je ne vous suis pas.
    Tout en
prononçant ces mots, l'ambassadeur songea que le métier de diplomate n'était
assurément pas une sinécure. Il savait parfaitement les dessous du traité
Sykes-Picot, et jamais, au cours de sa longue carrière, il n'avait été
confronté à une manigance aussi effroyable. Il répéta néanmoins :
    – Je ne
vous suis pas.
    – Je...
Je... bredouilla Levent, conscient de la brusque tension qui venait de
s'installer dans la pièce. Je ne faisais que rappeler certains faits, Votre
Excellence. Ils me paraissent préoccupants.
    –
« Préoccupants ? » questionna William Boydens.
    – Oui,
monsieur.
    – Mais
encore ?
    Levent
resta silencieux.
    – Parlez.
N'ayez crainte, insista lord Grey.
    – Ainsi
que le remarquait Son Excellence, je connais un peu la région. Ce découpage,
conçu dans les bureaux du Foreign Office et du Quai d'Orsay, ne tient pas
compte des réalités. Il y a de fortes chances pour que ce traité signé dans le
dos des Arabes, et qui les prive de tous leurs droits, ne donne un jour
naissance à une terrible frustration. Rien n'est pire que la frustration. Des
hommes sont morts, des hommes ont versé leur sang en vertu des promesses qui
leur ont été faites. Ils n'oublieront pas. Tout bédouins qu'ils sont.
    Il marqua
une courte pause avant de préciser :
    – Nous
allons installer dans cette région du monde une poudrière, pire, une série de
bombes à retardement comme il n'y en a jamais eu dans l'Histoire.
    –
Imaginons que ce soit le cas, rétorqua lord Grey. C'est nous qui garderons le
contrôle de la mise à feu.
    – Je souhaite que vous ayez raison, monsieur, sinon…
    –
Oui ?
    – Ce plan Sykes-Picot, sauf votre respect...
    –
Oui ?
    – Il va nous exploser à la gueule...

 
     
     
     
2
     
     
     
     
    Sur
cette terre, il y a la maîtresse de la terre, mère des commencements, mère des
aboutissements. Elle s appelait Palestine. Puis on l’appela Palestine.
    Mahmoud Darwich.
     
     
    Haïfa, 2
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