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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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Cananéens,
vivaient ici il y a plus de quatre mille ans et supposent que les 750 000
habitants [11] qui
peuplent nos villes et nos villages sont des fantômes. Nos écoles, nos églises,
nos mosquées, nos bibliothèques, nos champs, nos ateliers de tissage, nos
plantations – il balaya l'air d'un revers de main –, du vent !
    – Ya
Allah ! s'écria Hussein. L'un d'entre vous voudrait bien
m'expliquer qui est ce Balfour ?
    – Le
ministre britannique des Affaires étrangères, expliqua Latif.
    – Quel
scorpion l'a piqué ? Il est juif ?
    – Non. Il ne
fait qu'appliquer la politique de son gouvernement. Une politique qui, sois-en
certain, n'est pas inspirée par l'amour des Anglais pour la communauté juive.
Derrière ce projet se cachent des calculs que nous ignorons. Cela étant, je
crois que nous ne devons pas dramatiser. Relisez bien le texte de la lettre. Il
stipule que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits
civils et religieux des collectivités non juives. Et...
    – Tu nages
dans l'illusion ! ricana Mourad. Regarde autour de toi. Il ne se passe pas
un jour sans que des familles juives ne débarquent.
    – Allons,
allons, calme-toi ! Rien n'est encore joué. Écoutez-moi bien, dans
quelques mois, l'émir Fayçal, le fils du chérif de La Mecque, sera intronisé
roi de Syrie. La chose est acquise.
    – Et
alors ?
    – La
Palestine [12] tombera
sous sa coupe. Et la promesse de M. Balfour vivra ce que vivent les
promesses que font la plupart des politiciens : elle disparaîtra.
    Hussein
fronça les sourcils.
    – Tu
penses bien que les Anglais s'y opposeront !
    – Us ne le
pourront pas, objecta Latif. Les armées de Fayçal ont combattu comme des lions
aux côtés du général Allenby et sous la houlette d'un officier anglais, dont
j'ai oublié le nom…
    –
El-Orenz ? suggéra Mourad.
    – À moins
que ce soit Lawrence. Peu importe. Les alliés se sont engagés formellement à
soutenir l'indépendance arabe. La dette que le gouvernement britannique a contractée
à l'égard de Fayçal est immense. Aussi, le moment venu, nous contribuerons à
asseoir son pouvoir.
    – Nous ? s'étonna Hussein.
    – Oui. Nous. Ensuite nous fonderons cet État palestinien dont
l'Histoire nous a privés depuis tant de siècles.
    Hussein interrogea
ironiquement :
    – Que
faites-vous de la lettre rédigée par ce Balfour ?
    – Elle
finira dans une poubelle ! Jamais le monde ne permettra qu'une telle
injustice soit commise. D'ailleurs, nos frères arabes ne laisseront pas faire.
Et nous non plus ! Tu verras. Ne sommes-nous pas majoritaires sur cette
terre ? L'ensemble de la population juive ne dépasse pas dix pour cent, et
le pourcentage est plus ou moins le même pour les chrétiens. Qu'avons-nous à
craindre ? Tant que l'équilibre démographique sera maintenu, je ne vois
pas ce qui pourrait poser problème. De plus, voilà des lustres que nos
communautés coexistent sans heurt. Pour quelle raison les choses
devraient-elles changer ?
    – Voilà
qui est bien parlé, approuva Hussein. Ce n'est pas mon vieil ami Josef Marcus
qui te contredira.
    Latif
el-Wakil saisit soudain le
bras de son cousin avec gravité :
    – Hussein,
j'ai besoin de toi. J'ai
besoin de gens en qui je peux avoir
confiance.
    – Comment puis -je te servir ?
    – Je n'en
sais rien encore... Mais j’aimerais te
savoir à mes côtés.
    – La
politique et moi n’avons jamais fait bon ménage.
    – Il ne
s'agit pas que de politique. Il s'agit de
notre avenir.
    – Je ne suis
qu'un commerçant !
    – Précisément.
Et l'un des plus respectables. Tu comptes.
Tu es écouté.
    À plusieurs
reprises, Hussein passa sa paume le long de son crâne dégarni. La requête ne
l'enchantait guère. Mais elle émanait de son cousin, et la famille était chose
sacrée.
    – D'accord,
soupira-t-il, puisque tel est ton souhait.
    – Merci, mon
ami.
    Un rai de
soleil fusa à travers la pièce.
    – Tes
intentions sont louables, déclara tout à coup M ourad en
fixant son grand-cousin. Hélas, je crains que tu ne te
méprennes ou ne nous surestimes.
    – Que
veux-tu dire ?
    – Ce n'est
pas ici que se jouera le destin de la Palestine.
    – Où,
alors ?
    Mourad
indiqua un point invisible et murmura, désabusé :
    – Là-bas. De
l’autre côté de la mer. En Occident.

 
     
     
     
3
     
     
     
     
    La vie
n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas.
     
    Anonyme.
     
     
    Haïfa, 15
septembre
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