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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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les jeunes filles, elle
se mariera.
    – Inch Allah ! J'espère encore être là quand ce
jour arrivera. Qui sait combien de temps le Très-Haut m'accordera de
vivre ? Le compte à rebours a commencé.
    – Ne dis
pas de bêtises ! Nous avons le même âge et jamais je ne me suis senti
aussi jeune !
    – Oui,
mais tu es un aventurier. Cela conserve !
    – Tu
oublies que je suis seul à élever Irina. Lourde tâche !
    Le
Palestinien inclina la tête sur le côté et examina Marcus comme s'il le voyait
pour la première fois.
    – C'est
vrai. J'oublie parfois que ta chère Lisa doit te manquer. Elle nous manque
aussi, tu sais. Nous l'adorions, Nadia et moi.
    – Je sais,
mon ami. Je sais.
    Josef leva
les yeux au ciel avec une expression fataliste.
    –
L'Éternel a parfois des comportements que je ne comprends pas. Elle avait à
peine trente ans, quand il me l'a enlevée, le jour même où il me donnait Irina.
Une vie pour une vie. Ça fera dix ans dans quelques jours.
    – Maktoub, mon frère. Allah sait ce que nous ignorons.
    Il y eut
un moment de silence. Hussein demanda :
    – Tu n'as
jamais éprouvé le besoin de te remarier ? Donner un frère ou une sœur à ta
fille ?
    – Non,
Hussein. Aucune femme au monde n'a jamais été digne de remplacer ma Lisa. Et
puis, je vais sans doute te paraître sombre, mais je ne crois plus beaucoup à
la sagesse des hommes, encore moins à leur générosité. Alors à quoi bon des
enfants !
    – Les
enfants, c'est le bonheur !
    – Certes,
mon ami. Mais nous ? Que leur offrons-nous en échange ? Un monde
sectaire ? Un monde où l'égalité entre les êtres est un leurre ?
    Le Juif
marqua une pause. Ses traits s'assombrirent.
    – Tu ne
sais pas ce qu'est la vie d'un juif en Europe. Homme, femme ou enfant. Nous
sommes la lie du monde. Montrés du doigt. Méprisés. C'est d'ailleurs l'une des
deux raisons qui m'ont fait quitter la Pologne et m'installer ici.
    – Et
l'autre raison ?
    – Elle est
affective.
    Hussein
sourit.
    – La mélancolie
du temps où régnait ton roi, Salomon.
    – Ne te
moque pas. Je suis conscient de l'aspect irrationnel de mes sentiments. Mais je
n'y peux rien ; lorsque je suis devant le Kotel [15] un flot d'émotions me submerge. Je suis bouleversé et,
dans le même temps, je ne peux que sourire à l'idée que, moi, Juif, je m'émeuve
devant les ruines d'un édifice érigé à l'instigation d'un Édomite [16] , le roi
Hérode, marié à une Arabe, païen de surcroît, qui répudia sa femme pour épouser
celle de son frère. C'est curieux, non ?
    – Non. Tu
es un sentimental, c'est tout. N'oublie jamais que nos vies ne sont constituées
que de symboles. D'ailleurs, je te comprends. Quand il m'arrive de me rendre à
Jérusalem pour prier à la mosquée du Dôme, moi aussi je ressens cette
exaltation. Je suppose que les chrétiens qui visitent le Saint-Sépulcre doivent
éprouver les mêmes sentiments que nous. C'est ainsi. Des symboles, tout n'est
que symbole. Malédiction ? Bénédiction ? Je ne sais.
    Hussein
emprisonna la main de son ami dans la sienne.
    – Tu sais,
Josef, nous devrions tous les soirs remercier le Tout-Puissant. Nous vivons sur
une terre sacrée. Une terre unique et sublime.
    Nadia
était revenue dans la pièce. Elle servit aux deux hommes l'infusion accompagnée
d'une assiette de pâtisseries fourrées aux pistaches.
    – Je vais
encore grossir ! gémit le Juif. Mais comment résister à ces
merveilles ?
    –
Rassurez-vous, Josef. Vous n'êtes pas près d'être obèse ! Je...
    Elle
s'interrompit pour pousser un cri de joie.
    –
Mourad ! Tu rentres bien tard, mon fils !
    Le jeune
homme déposa un baiser sur la joue de sa mère et tendit la main au juif.
    – Salam aleïkoum, monsieur Marcus. Maman a raison.
Comparé à mon père, vous êtes une asperge.
    – Chalom, Mourad.
    – Je te
sers à manger ? proposa Nadia. J'ai préparé de la Maqlouba.
    – Non,
vraiment. Je n'ai pas faim
    – Tu n'es
pas malade, au moins ?
    – Mais non,
mais non.
    – Tu n’as
pas de fièvre ? Tu es sûr ?
    Hussein
leva les bras au ciel.
    – Arrête, ma
fille ! Arrête de l'ennuyer. S'il te dit qu'il n'a pas faim, c'est qu'il
n'a pas faim.
    Se
penchant vers Josef, il observa :
    – C'est fou,
non ? Cette manie qu'ont les mères orientales de gaver leurs enfants comme
des oies ! Chez vous, en Pologne, elles faisaient la même chose ?
    Josef
répondit par la négative et leva la tête vers Mourad.
    – Tu vas
bien ? Tu
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