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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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septembre 1918
     
     
    Il n'était
pas loin de 8 heures.
    Hussein
Shahid se dirigea vers la fenêtre. La Méditerranée flamboyait. Une dizaine de
militaires anglais étaient rassemblés sur le quai. Un homme en civil les accompagnait.
Non loin, on pouvait apercevoir un camion bâché.
    Hussein
caressa sa barbe grisonnante. Il se souvenait d'avoir entendu parler d'un
régiment britannique qui avait traversé la ville quelques semaines auparavant,
en direction du nord. Il se le rappelait parfaitement, puisque c'était le jour
où il inspectait ses orangeraies.
    Il se
pencha pour mieux examiner la scène. Ce civil qui discutait avec les
militaires, n'était-ce pas son cousin, Latif el-Wakil ? Oui, bien sûr.
Avec son épaisse moustache, ses épaules de lutteur et son crâne dégarni, il
l'aurait reconnu entre mille. Que manigançait-il avec ces soldats ?
    Voilà un
an que les Anglais avaient débarqué en Palestine, conséquence de la guerre qui
avait frappé le monde et la région.
    En
décembre, un général anglais au nom étrange, Allah Nabi – à moins que ce fût
Allenby ? – était entré à Jérusalem et en avait chassé les Turcs qui s'y
trouvaient depuis près de quatre siècles. Quelques mois plus tard, en septembre
de la même année, il prenait Haïfa. En octobre, il capturait Damas. Beyrouth et
Alep étaient tombés à leur tour. Un vrai guerrier, cet Allah Nabi... Et à
présent, pour la énième fois de son Histoire, la terre de Palestine se voyait
occupée.
    Pauvre
Palestine ! Déchirée dans les temps anciens entre les Cananéens et les
envahisseurs hébreux, partagée ensuite entre le royaume de Juda et d'Israël,
rasée par les Assyriens, occupée tour à tour par les Perses, les Grecs, les
Romains, les Arabes, les croisés, par les Turcs, et aujourd'hui par les Anglais !
Pauvre Palestine...
    Un
officier désigna les bateaux à l 'ancre, quelques caïques affectés au transport de marchandises, dont trois appartenaient d 'ailleurs
à Hussein.
    Soudain
très las, il se rassit à son bureau et se prit la tête entre les mains. Quel
âge avait-il ? Vingt ? Trente ans ou était-il centenaire ?
Quelle absurdité que ce calcul du temps inventé par les hommes ! Ne
pouvait-on être adolescent dans son cœur et vieillard dans son corps ? Il
releva son visage et aperçut son reflet dans la glace accrochée au mur, face à
lui. Dans huit jours, il aurait quarante-huit ans. Si ses joues,
son front, brûlés par le soleil étaient parsemés de rides, ses yeux, d'un
marron sombre avaient conservé la lumière de leurs vingt ans.
    Il porta la
main à sa poitrine comme pour retenir une
douleur. D 'où lui venait cette inquiétude ?
Depuis que les Anglais s 'étaient
rendus maîtres de la Palestine, tout semblait si fragile ! Propriétaire d’ orangeraies et d 'un
maraîchage près de la ville, entre autres biens, Hussein savait trop combien le
sort des petites gens dépendait des caprices des puissants. Si au moins il ne s 'était agi
que de son destin personnel, passe encore ! Mais il avait une famille. Une
femme, Nadia, et trois enfants ! Deux garçons et une fille. La cadette,
Samia, venait à peine de fêter ses treize ans. Soliman avait célébré ses seize
ans une semaine auparavant et l 'aînée,
Mourad, entrait dans sa dix-neuvième année. Trois enfants. Trois vies qu'il
devait continuer de protéger et mener à bon port.
Comment oublier qu'au lendemain de l'attaque anglaise
qui avait débouché sur la destruction de la voie ferrée du Hedjaz il s'était
retrouvé avec des centaines d'okes [8] de
marchandises sur les bras, qu'il avait dû brader avant qu'elles ne
pourrissent ? Une perte sèche !
    Quelques
coups de heurtoir frappés sur la porte du rez-de-chaussée l'arrachèrent à ses
pensées. Il patienta. Son serviteur n'allait pas tarder à ouvrir.
    Un bruit
de pas. Un homme apparut. Replet, de taille moyenne, les joues couvertes d'une
épaisse barbe sel et poivre.
    – Latif !
    Hussein
tendit les bras vers son cousin.
    – Heureux de
te voir ! Ou plutôt de te revoir. Car je t'ai aperçu avec les Anglais tout
à l'heure.
    – Salam, mon frère.
Tu vas bien ?
    – El hamdou
lillah ! Grâce à Dieu.
    Il se
laissa choir sur un siège.
    – Je meurs
de soif.
    – Hussein
héla son serviteur et commanda un grand verre de limonade fraîche.
    – Alors ?
Quelles sont les nouvelles ?
    Latif
el-Wakil prit le temps d'allumer une cigarette avant de répondre :
    – Les
Anglais ont
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