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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges
Autoren: Claude Izner
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vers le portail de Brougham Green.
    Les oreilles frémissantes, les narines emplies de l’odeur des chevaux, il attendit que son cœur recouvre un rythme régulier. Lorsqu’il se crut à l’abri du danger, il quitta prudemment son refuge. Une nouvelle trépidation le cloua sur place. Venant lui aussi de Crescent Dogall, un cavalier surgit du virage. Taby cracha, gonfla sa fourrure, la monture fit un écart, un fouet claqua, manquant de peu d’éborgner le siamois qui se rua au profond des taillis.
     
    Jennings avait oublié d’alimenter le feu. Assise près de la croisée, Lady Fanny Hope Pebble s’apprêta à tirer le cordon de l’office. La vision d’une victoria remontant l’allée centrale suspendit son geste. Qui pouvait venir à cette heure tardive ? Depuis la mort de Lord Pebble, elle ne recevait d’autres visites que celles du Dr Barley et du pasteur Anthony, mais ils se présentaient toujours le matin. Lady Pebble resserra les pans de son châle sur sa maigre poitrine et se résolut à jeter quelques bûchettes dans l’âtre. Un faible miaulement capta son attention. Ce gredin de Taby ! Tassé contre la vitre, on eût dit une gargouille, avec ses prunelles phosphorescentes et sa tête triangulaire fendue d’un rictus. Lady Pebble eut à peine le temps d’entrebâiller la fenêtre, déjà le siamois avait sauté sur ses genoux, lui arrachant un léger cri en faisant ses pelotes à travers sa jupe.
    — Moteur du diable, qu’as-tu à ronronner ainsi, tu n’es guère câlin d’habitude, t’es-tu frotté aux chiens du braconnier ? Chut ! Tais-toi donc que j’entende… Jennings a introduit quelqu’un.
    Vêtu d’une livrée bleu ciel, en culottes, bas blancs et souliers à boucle, les cheveux poudrés noués sur la nuque par un large ruban noir, Jennings semblait sorti d’une peinture de Hogarth. Étonné de cet accoutrement, Antoine du Houssoye lui emboîta le pas jusqu’à un salon où se bousculaient des meubles poussiéreux, des armures et une vaste bibliothèque. Jennings tourna les talons sans avoir émis une parole.
    — Charmant accueil, grommela Antoine du Houssoye. On gèle, ici. Qui m’a vanté l’hospitalité des Écossais ? En tout cas leur sens de l’économie n’a rien d’un mythe ! Pas de feu par ce froid…
    À la lueur falote du chandelier laissé par le valet, il déchiffra les titres des reliures alignées sur les rayonnages. Bibles, missels, traités de théologie. Il haussa les épaules, tira un calepin de la poche de sa redingote et griffonna :
    Je suis dans la place, je vais enfin savoir si la piste indiquée par ce fils du ciel de Surabaya est la bonne. Se pourrait-il que je parvienne à doubler D. ? Si oui, je serai le premier à prouver l’existence de ce…
    Il s’interrompit, frappé par la pensée qui l’avait effleuré la veille à l’hôtel Balmoral : où était son précieux carnet de notes, celui qu’il utilisait à Java ? L’aurait-il égaré ?
    « Non, il doit être au fond d’un tiroir de ma malle ou de mon sac de…»
    Une porte dérobée livra passage à une femme minuscule en robe de mousseline rose, coiffée d’un antique bonnet tuyauté. Antoine remonta le cours des ans. A coup sûr, cette fragile petite personne devait avoir vu le jour sous le règne de George III. D’une voix évoquant le chuintement d’une bouilloire, elle lui annonça que Lady Pebble daignait le recevoir. Elle s’empara du chandelier et, sans se soucier de lui, trottina le long d’un hall lugubre où il entrevit une succession de portraits à la physionomie rébarbative. Le nez en l’air, il découvrit une imposante galerie vers laquelle s’élançait un escalier monumental que la miniature à bonnet gravit aussi prestement qu’un écureuil. Cerné par la pénombre, les yeux rivés à la tache rose de la robe de mousseline, Antoine du Houssoye escalada les marches en s’efforçant de ne point trébucher et se retrouva face à deux battants qu’on venait d’ ouvrir.
    Éclairé par les reflets dansants d’une flambée, un boudoir envahi de chippendale et de vieux chine servait d’écrin à un fauteuil roulant où trônait une femme caressant un siamois lové dans son giron. Une lampe à pétrole était allumée sur un guéridon à côté d’une pile de revues et de livres. La femme congédia la centenaire ratatinée et fit lentement pivoter son fauteuil. Antoine du Houssoye se troubla à la vue du visage aux traits anguleux, au teint
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