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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges
Autoren: Claude Izner
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ai avoué le trouver séduisant, il a piqué un de ces fards ! »
    — Sortons à Denman Street. Nous prendrons un cab au London Bridge.
    Elle héla un cabriolet suspendu à deux grandes roues dont le siège du cocher était situé à l’arrière. Agacé de ce nouveau caprice, Kenji cria « Sloane Square ! » par l’ouverture pratiquée dans la capote.
    La librairie suscitait en lui des réminiscences douloureuses. Il visualisa nettement la forte corpulence de M. Legris, un stick à la main, menaçant Victor caché derrière sa mère. Quelle faute insignifiante le garçon avait-il commise ? Seul Kenji ne redoutait pas le libraire. Il savait le calmer par quelque proverbe de son cru froidement débité. Peut-être avait-il déclaré : « Du grand incendie de Londres il ne subsiste nulle cendre », et M. Legris avait baissé pavillon…
    — La boutique a-t-elle changé ? demanda Iris.
    — Elle a été repeinte et les vitrines…
    Il s’interrompit, le temps qu’un vendeur de journaux glapisse les titres.
    — Scotland Yard interroge toujours le personnel de Lady Fanny…
    Le nom se perdit sous le fracas d’un fiacre.
    — … assassinée dans son manoir de Brougham Green. On ignore l’identité de l’homme qui lui a rendu visite le soir du meurtre !
    — Les vitrines ont des carreaux plus petits, constata Kenji.
    — Entrons-nous ?
    — À quoi bon déranger des fantômes ?
    — J’aime Brompton. Si je devais me fixer à Londres, ce serait ici… À moins que ce ne soit à Westminster ou Regent’s Park.
    — Votre mère et moi nous nous retrouvions parfois sous le cèdre du jardin botanique, près de l’hospice de Chelsea. Nous affectionnions aussi le cabinet de lecture de Cromwell Road. Y allons-nous ?
    — Je préfère terminer mes emplettes. J’ai promis à Tasha du thé de chez Twining sur le Strand. Victor voudrait les catalogues de la librairie Quaritch et ceux du magasin de photos Eastman, cela m’amènera à Oxford Street, je veux voir les toilettes d’Evans. Père, j’ai besoin d’argent.
    Kenji poussa un soupir. Iris finirait par le mettre sur la paille. Et, si ce n’était elle, ce serait Eudoxie Allard, alias Fifi Bas-Rhin, qui, lassée de son archiduc russe, lui était revenue le mois précédent. Il comptait lui choisir un bijou dans une des joailleries de New Bond Street.
    Kenji appréciait ses rencontres avec Eudoxie, des interludes agréables, salutaires à ses exigences viriles. Ils se gardaient bien d’introduire dans leur relation des éléments de leur vie quotidienne, chacun offrait à l’autre le meilleur de lui-même. Leurs rapports, limités à l’érotisme, conservaient un caractère léger, car jamais Daphné ne s’échapperait de son cœur.
    — Nous dînerons au restaurant de l’hôtel à dix-huit heures trente. J’ai réservé une baignoire au Royal Italian Opera de Covent Garden. Je vais m’attarder un moment ici. Soyez ponctuelle !
    Iris acquiesça poliment, elle détestait l’opéra et savait d’avance qu’elle s’ennuierait à mourir.
    « Je rêverai de Joseph, décida-t-elle en grimpant sur l’impériale d’un omnibus chocolat. En attendant, je vais aller lui acheter une épingle de cravate. »
     
    Paris, vendredi 8 avril, 5 heures du matin
     
    C’était devenu une habitude : se lever doucement en écoutant la respiration régulière de Gabrielle, s’emparer des vêtements jetés la veille sur un fauteuil, aller s’habiller dans le cabinet de toilette attenant à la chambre. Là, il allumait une lampe à huile qui lui permettait de gagner sans encombre le vestibule au bout duquel il marquait une courte pause à l’office, le temps de boire un verre d’eau et de se couper une tranche de pain. Il se faufilait dans l’escalier, soulagé que le vieux chien de l’Ancêtre eût enfin cassé sa pipe, car ainsi nul aboi ne trahirait son escapade. Il descendait précautionneusement les marches de pierre, mouchait la mèche de la lampe et la déposait devant la loge du concierge.
    Ouverte en catimini, la porte n’émettait aucun grincement. Il traversait la cour en prenant soin de ne pas faire claquer ses bottines sur le pavé. Quatre enjambées et il plongeait dans la rue, empli du grisant sentiment de liberté ressenti chaque fois qu’il se soustrayait à l’entourage familial.
    S’il avait d’abord subi d’occasionnelles insomnies avec contrariété, il avait peu à peu cultivé ce désagrément jusqu’à ce
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