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Le rire de la baleine

Le rire de la baleine

Titel: Le rire de la baleine
Autoren: Taoufik Ben Brik
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la colique j’ai dit : « Qu’est-ce que j’ai fait avec cette grève de la faim ? J’ai amené un ballon à la surface de réparation. J’ai donné à la Tunisie militante un penalty, mais je ne suis pas le buteur. Je ne suis pas le tireur. Y a-t-il en Tunisie un buteur, un opportuniste, un assassin, un flingueur ? Je ne sais pas.
    — Si vous vous retrouviez, là demain matin, en face de Ben Ali, dans son bureau… ?
    — Je serai le silence. Il fuira mes yeux diaboliques d’Orson Welles dans
Citizen Kane
. Nosferatu, c’est moi. Tu ne vois pas mes dents, mes incisives bouger ?
    — Je vois un bon comédien surtout.
    — C’est comme ça. Je suis un macadam cow-boy, je ne suis pas le cow-boy.
    — En tout cas, ceux qui voulaient faire de vous un héros national sont mal barrés. Vous allez finir comme le Raspoutine de Ben Ali ?
    — Non, mon ami, je finirai criblé de balles  3  »
    J’ai eu la fin cinématographique dont je rêvais : « Le journaliste tunisien Taoufik Ben Brik fait songer à Lenny, le héros du film de Bob Fosse. Lenny Bruce était un petit comique de music-hall qui finira par percer en faisant le procès de l’Amérique bien-pensante des années soixante et de ses dirigeants. Devenu une vedette aux réactions imprévisibles, Lenny sera dépassé par son succès jusqu’à la tragédie finale  4 . »
    De l’air !
    Un démoniaque conseiller me susurre de consigner ce que je dis.
    Son but est de me publier
    Sur le ton des qu’en-dira-t-on.
    Il s’en est allé conter
    L’arrachage des ongles
    Et ma circoncision
    Fais parader ton paon au cœur de l’enchère
    Et poursuis ton traçage
    Quelle place de marché serait assez vaste pour que tu déploies tes ailes.
    Débris de verre reflétant l’éclat de l’or
    Diadème usurpé
    L’ivoire de mes aïeux, gisement de ma preuve…
    Ceci est l’inspiration des parchemins roulés
    Un alif se dresse, un lem se couche
    Un sabre dégainé
    Et une barque égorgée.
    Il m’est venu à l’idée de témoigner
    Lettres qui dégringolent de la gorge
    Jusqu’à la langue
    Un infime regret scande en apocope les trois coups
    Sur la planche de la patience
    Séquence licite d’un film
    But dans la lucarne
    Perdition du alif
    Hors du Livre
    Et le scintillement du navire
    filant dans l’algèbre
    Les pions prient sur l’échiquier
    Pour que vivent la tour et la bataille.
----
Nicolas Beau, « Le dissident dissonant »,
Le Canard enchaîné
, 13-19 juin 2000.  ↵
Heinrich Böll,
Portrait de groupe avec dame
, Éditions du Seuil, « Points », 1995.  ↵
Émission « Transparence », RTL, 31 mai 2000.  ↵
Jean-Pierre Tuquoi,
Le Monde
, 14 juillet 2000.  ↵

Dardacha
avec ma mère
    Le soir est tombé, la journée de travail s’achève, je retourne chez moi comme la taupe dans la terre. Non que je sois las de travailler, je ne suis pas las, mais le soleil se couche
.
    Nikos Kazantzákis
    Raconte-moi Paris, me dira ma mère à mon retour.
    Je n’ai pas bien regardé Paris.
    Ce n’est pas lui qui s’est refusé à moi. Je ne suis pas allé vers lui. J’étais dans mes mots, mes images, mes gens. Cette ville est pour moi une chambre d’hôtel, une terrasse de café, un plat de rognons, une salle de cinéma et des marques d’affection d’Arabes et d’Africains. Rarement d’Européens.
    Je n’ai pas voyagé à travers les hommes de cette ville dont on ne voit pas la fin, avec des églises, des bâtiments monumentaux couverts de suie. J’erre au milieu du trafic qui n’arrête pas de déferler. Ils me disent : « Regarde ces murs, ils te parlent. Tu marches sur les ronces de la vieillesse. » Tout m’est inconnu dans cette ville au ciel bleu de fer. Paris est un trou dans ma tête. J’ai essayé de donner forme dans mon rêve à cette ville. Elle a l’odeur de la moutarde et des côtes de porc… Elle est propre à l’extérieur, sale à l’intérieur.
    Raconte-moi alors les gens, mon fils. Que mangent-ils ? Comment arrangent-ils leurs maisons ? Comment reçoivent-ils leurs invités ? Est-ce qu’ils les honorent ? Ont-ils des enfants comme nous ? Se marient-ils ? De quoi parlent-ils ?
    Je n’ai pas été attentif. Ils parlent une langue étrange.
    Je ne suis allé qu’une seule fois dans une famille qui m’a dévoilé son intérieur. On entre chez les Beau par un grand portail en bois vert, comme chez nous dans les douars, qui donne sur le garage. Une vieille voiture et un énorme scooter, puis un
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