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Le rire de la baleine

Le rire de la baleine

Titel: Le rire de la baleine
Autoren: Taoufik Ben Brik
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gueule », je lui réponds vulgairement, la seule musique qu’il comprend.
    Dans l’avion, nous attendrons quarante-cinq minutes l’autorisation de décoller. Ben Ali serait-il encore indécis ? Finalement, c’est sans doute l’intervention, le jour même, de la présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine, qui pèsera sur sa décision. Elle demande personnellement à Ben Ali « d’intervenir rapidement afin qu’une situation conforme aux droits de l’homme soit rétablie », en ma faveur.
    Là-haut, parmi les nuages, les larmes coulent :
    J’ai désiré un tapis volant et un cirque enfant
    Nomme-moi offrande et je m’offrirai
    Sonne le glas de ma mort
    Mon guide est le mystique d’antan
    Baladant sa besace pleine de songes
    Sur une planche où l’on fredonne des odes andalouses
    Ma gibecière mendie un moineau qui s’est suicidé
    et un nuage sans pluie
    Devine..,
    Je suis l’égaré d’un peuple qui m’a livré…  6
----
Libre-Algérie
, 8-21 mai 2000.  ↵
Riadh Ben Fadhel, « En finir avec le syndrome de Carthage »,
Le Monde,
21-22 mai 2000.  ↵
Amel Denguel,
El wasaya el ‘achar, Les Dix Commandements
, Dar El ‘Aouda/Maktabet Medboulè, Beyrouth/Le Caire, 1985.  ↵
En français :
À l’est de la Méditerranée
, Sindbad, 1985.  ↵
Mahmoud Darwich,
La Terre nous est étroite
, Gallimard, 2000.  ↵
Taoufik Ben Brik,
Et maintenant, tu vas m’entendre
,
op. cit.
  ↵

9
    À Vic Lowell qui m’a dit que les dragons n’existaient pas, et puis qui m’a conduit à leurs cavernes.
    Ken Kesey
    Quarante-deux jours de grève, autant de kilomètres pour un marathon. Je suis arrivé bon dernier. Il n’y avait plus personne. Alors, pour moi-même, j’ai fait un dernier tour.
    Jalel est libre, la maison d’édition Aloès a été rouverte, des passeports ont été récupérés, quelques lignes de téléphone ont été rétablies, un ou deux prisonniers ont été libérés, et jamais Ben Ali n’a connu de campagne médiatique aussi cruelle.
    Les gens ont eu une fin de printemps et un début d’été 2000 sans peur. Ils ont fait Zorro, m’ont-ils raconté depuis Tunis. Des illuminés parlaient déjà de l’après-Ben Ali. Dupes, nous sommes. Nous avons affaire à l’exception des dictateurs arabes.
    Ces dictateurs ont connu des défaites humiliantes, des guerres civiles sanglantes, des émeutes du pain, des insurrections civiles, des rébellions populaires et ils sont toujours là, magnifiques. Nasser, Boumediene, Assad, Bourguiba, Hassan II, Abdelaziz Ibn Séoud, Kadhafi, Saddam Hussein, Nimayri ont inventé la présidence à vie, la république héritière. Je donnerais toute une vie pour vivre un jour, un seul, le crépuscule de ces dieux-rois.
    Juillet n’était pas encore fini que Ben Ali, comme un magicien, avait déjà colmaté la petite brèche. Les kidnappings, la prise en otage de familles, les violations de domicile, les filatures, les passages à tabac, les procès iniques et les licenciements abusifs, les écoutes téléphoniques, l’interdiction de voyager ont repris.
    À quoi ça sert une grève de la faim ? Elle n’a pas servi, elle m’a servi. Je suis devenu un article, une manchette, une colonne, une affiche, une voix, un titre, un surtitre, un portrait, un entretien, un commentaire.
    Alger, Casablanca, Le Caire m’ont été interdit. J’ai poussé un président, Abdelaziz Bouteflika, à me dénigrer, un Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, à m’évoquer, et j’ai contraint l’ambassadeur d’Égypte à prétendre, une semaine durant, que le fonctionnaire qui délivre les visas était absent.
    J’ai poussé l’establishment des droits de l’homme, la Fédération internationale des droits de l’homme, Amnesty International, Reporters sans Frontières, à prendre leurs distances. Il sent le soufre, disent-ils. J’ai réussi l’exploit de faire le vide autour de moi. « Pas question d’inviter désormais sur un plateau de télévision ce faiseur, cet ingrat, cet incontrôlable, ce gréviste de la faim pas famélique, trop bon vivant  1 . »
    « Je refuse d’aller plus haut », ne cessait de clamer Lev Borisovitch Gruyten, que par simplification Heinrich Böll désigne par les seules initiales LBG  2 . Les autres voulaient que LBG accepte d’être promu chef de section. Lui voulait rester un simple éboueur.
    À la terrasse d’un café laid, couverte de mégots, à Paris dans le sixième, à un journaliste bouffi qui avait
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