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Le rire de la baleine

Le rire de la baleine

Titel: Le rire de la baleine
Autoren: Taoufik Ben Brik
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de
Kagemusha
, le film d’Akira Kurosawa ; dans des situations délicates, il répond, laconique : « La montagne ne bouge pas. »
    Le lendemain, 28 avril, elle envoie un courrier au chef de la diplomatie suisse, Joseph Deiss, qui est attendu début mai à Tunis. Elle lui écrit : « Je vous remercie d’avance de bien vouloir prendre en considération les éléments que je vous ai exposés au cours de vos rencontres avec les autorités tunisiennes. » Ce qu’il fera, sous la pression des médias suisses qui rendent public le fax de Najet. Il remettra au ministre tunisien des Affaires étrangères, Habib Ben Yahia, « un aide-mémoire concernant l’affaire Ben Brik » et il accueillera même à sa table Chawki Tebib, mon médiateur.
    La bataille de la clinique Saint-Augustin et celle de la rue 7134 ont relancé l’indignation. De nouveaux fronts s’ouvrent. Pas moins de quatorze associations marocaines dénoncent « les brimades » que je subis et déplorent que « la situation des droits de l’homme ne cesse de se détériorer en Tunisie ». Depuis l’Égypte, le Programme arabe des défenseurs des droits de l’homme crée des comités de soutien en Jordanie, au Yémen, à Bahreïn, au Soudan, à Djibouti, en Syrie, en Irak…
    Le 28 avril, c’est l’entrée d’El Jazeera, la CNN arabe, dans la bataille médiatique. Cette chaîne consacre à mon affaire l’une de ses émissions les plus regardées, « 
El itijah el mou’akess »
, sorte de chassé-croisé d’une heure et demie. Basée à Qatar, cette chaîne d’information continue a bouleversé le champ médiatique du monde arabe. Y passer ne serait-ce qu’une minute, c’est avoir la certitude que des millions de personnes entendront parler de vous. Sakharov disait : « Être nommé, c’est être protégé. » Dans la presse égyptienne, le politologue Mohammed Sid Ahmed écrit le lendemain, dans son billet quotidien paraissant dans
El Ahali
 : « … quand un journaliste est déterminé et continue son combat jusqu’à la limite de ses forces, il sera victorieux. Il est impossible de le faire taire. » Le même jour à quatorze heures, les patrons de la presse algérienne sont chez moi : Omar Belhouchet d’
El Watan
, Ali Djerri d’
El Khabar
, Zoubir Souissi du
Soir d’Algérie
, et des représentants du Syndicat national des journalistes. Pour moi, la présence de la presse algérienne, qui a grandi dans le sang et qui a survécu contre balles et marées, est une accolade par-delà les frontières, un défi à tous les geôliers de la parole au Maghreb. J’ai même droit au prix international d’
El Khabar
, le plus gros tirage de ce pays, portant le nom d’Omar Ouartilane, journaliste de ce quotidien de langue arabe, assassiné en octobre 1995. À Tunis, le Palais n’apprécie guère. Il considère ce nouvel emballement de mon bouclier médiatique comme des coups de poignard dans le dos. Ben Ali fait le rappel de ses troupes. Il dépêche son conseiller spécial Abdelaziz Ben Dhia à Gafsa, ville traditionnellement frondeuse et rebelle, pour contrer « les allégations mensongères et tendancieuses colportées par certains médias ». Ahmed Friaa, ministre de la Communication, dénonce à Gabès, porte du désert, la campagne « d’hostilité de certains milieux qui acceptent mal la réussite exemplaire de ce pays ». D’autres membres du gouvernement tunisien et du bureau du RCD, le parti au pouvoir, parcourent le pays pour faire des déclarations similaires lors de réunions publiques. Trois autres partis de l’opposition légale, le Parti de l’unité populaire, l’Union démocratique unioniste, et l’ex-Parti communiste, s’y mettent également, avec leur docilité habituelle.
    L’Union de l’industrie et du commerce, organisation patronale, croit déceler là « l’expression d’une profonde rancœur contre la Tunisie et d’une nostalgie de l’époque colonialiste ». Et enfin, l’inamovible secrétaire général de l’UGTT Ismaïl Sahbani, fait remarquer que « cette campagne est révélatrice de prétentions colonialistes, culturelles et politiques et qu’elle tend à salir la réputation de la Tunisie, ainsi qu’à semer le doute sur ses acquis et réalisations ». Riadh Ben Fadhel, ancien rédacteur en chef de la version arabe du
Monde diplomatique
, écrira à ce propos un article qui fera date : « Le point d’orgue de ce psychodrame ayant été atteint, après un rappel sans
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