Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
juste de cervelle assez pour servir à ses appétits, et sans y
pouvoir loger, au surplus, le plus petit atome de savoir ni de débonnaireté,
car il n’était point bon homme, certes, combien qu’il le contrefît.
    À peine eut-il pénétré dans la salle
que Giacomi, fermant l’huis derrière lui, s’y adossa de sorte que Pincettes eût
pâli si sa rouge peau l’eût permis, son œil roulant dans l’orbite comme une
petite bête inquiète et sa grosse lippe tremblante comme gelée :
    — Ha ! Révérend docteur
médecin ! dit-il enfin en français, la parole blèze et bégayante, et me
saluant quasiment jusqu’à terre. Je suis excessivement honoré…
    — Point ne le suis, curé,
dis-je, la mine rude et la voix abrupte. S’il n’avait tenu qu’à ton témoignage,
on m’aurait décollé.
    — Ha mon noble Moussu !
dit Pincettes en oc, ce témoignage, le sieur de Malvézie me l’arracha, la
pointe de la dague sur la pomme d’Adam !
    — Mais la pointe de la dague
ôtée, tu l’as répété, félon à l’évêché !
    — Benoîte Vierge ! dit
Pincettes, pouvais-je me rebeller contre Monseigneur qui le quérait de moi
ainsi ?
    — Compagnons ! criai-je en
français, avez-vous ouï cela ? Et quelle odieuse embûche on a machinée
contre moi !
    À quoi tous trois hochèrent
gravement la tête, Fröhlich compris qui n’y avait rien entendu, la parladure
étant en oc et son œil bleu sur le confit d’oie attaché.
    — Curé ! dis-je
incontinent, assieds-toi à cette escabelle, là, à ce bout, et toi, Jacotte,
quiers l’écritoire de ton maître, et vitement, commère, vitement !
Suis-la, Miroul, comme son ombre…
    Ce qu’il fit, sauf que cette
ombre-là avait des mains, et se serait certainement attardée à ce corps si
Miroul n’eût redouté mon ire, Pincettes étant de son côtel bien marri qu’on
caressât si effrontément sa « Curotte » à son nez sans qu’il osât
piper.
    — Curé, dis-je, quand tout fut
là, sais-tu écrire ?
    — Oui-dà ! dit Pincettes
en relevant la crête.
    — En latin ?
    — Non hélas, dit-il, je dis en
latin ma messe et mes prières, mais point ne suis à l’écrire accoutumé.
    — Si vais-je te dicter.
    Mais ce faire je ne pus, tant son
orthographe était peccamineuse. Aussi écrivis-je de ma main en latin les
attestations pour mon Samson et pour moi et les copia-t-il, fort soumis, et
tout sueux de se donner peine (laquelle sueur coulait le long de son gros nez)
mais non sans toutefois rebéquer quelque peu pour ce qui fut du passage
concernant la messe.
    — Moussu, dit-il en français
(peut-être pour n’être pas compris de Jacotte), cela est faux : vous ne
l’oyez point et votre noble frère non plus.
    — Nous l’orrons ce dimanche
quand tu viendras à Mespech la dire.
    — Mais une fois ! dit
Pincettes, comme effrayé de m’affronter.
    — Aussi n’est-il point écrit
céans que nous l’oyons coutumièrement.
    — Cela est vrai, dit Pincettes
qui n’entendait le latin qu’à demi.
    — Jacotte, dis-je en oc quand
son maître eut fini son pensum, tu porteras à l’occasion témoignage que M. le
curé de Marcuays a écrit tout ceci sans menaces ni paroles fâcheuses, et sans
non plus que je lui graissasse le poignet, mais de soi, et librement.

— Oui-dà, dit Jacotte.
    — Et Jacotte, dis-je, fouillant
en mon escarcelle, voilà deux sols pour conforter l’incommodité où tu fus.
    — La merci à vous, Moussu, elle
ne fut pas de conséquence, dit Jacotte en jetant un œil point rancuneux
par-dessus son épaule, Miroul étant encore derrière elle les deux mains sur ses
hanches, lesquelles étaient tant larges que ses épaules, et celles-ci tant
fermes que son poitrail, cependant de bedondaine pas la moindre, pour ce
qu’assurément elle ne buvait point à l’égal de son maître comme soulier percé
et labourait de l’aube à la nuit, et la nuit aussi, à ce qu’on contait, mais à
son grand contentement.
    — Curé, dis-je en glissant les
deux attestations dans mon pourpoint, à écrire ceci, qui n’est que la vérité
vraie, tu as rhabillé les fallaces où on t’avait contraint.
    — Moussu, dit Pincettes, tout
sueux encore de son effort, mais la voix en son gargamel passant mieux et se
raffermissant, je serais fort heureux que vous ne me gardiez point, et Monsieur
votre père non plus, une trop mauvaise dent de ces malheureux témoignages.
    À quoi, ne le voulant pas voir trop
conforté non
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher