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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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résolu
à n’en user du tout. Je me fis donc accompagner par mon gentil Miroul, le
maître en fait d’armes Giacomi, et Fröhlich, mon bon Suisse de Berne qui ne
m’avait point quitté depuis la Saint-Barthélemy, ne tenant point à déshonneur
d’avoir passé du service du Roi de Navarre (pour lors quasi prisonnier en le
Louvre) à celui d’un cadet périgordin plus étoffé en savoir qu’en pécunes.
    Les chevaux attachés aux anneaux de
la place de Marcuays, je toquai d’un poing ferme à l’huis de la cure et la
servante de Pincettes m’envisageant par le judas, une chandelle en main, je me
nommai, sur quoi déverrouillant la porte, elle m’ouvrit.
    — Va bien, Jacotte ?
dis-je en lui tapotant la charnure.
    — Va bien, mon noble Moussu,
dit Jacotte, riante et trémoussante, accorte commère qu’elle était, en tétins
plus plantureuse qu’aucune garce à Marcuays, tant est qu’on pouvait douter, à
lui voir le parpal si rond, le visage si lisse et le tant ferme corps, qu’elle
eût l’âge canonique requis pour le service d’un prêtre et moins encore la
complexion qu’il eût fallu en cet office. Au village, depuis la gaussante farce
qui avait valu à notre papiste pasteur le surnom de « Pincettes » (et
que j’ai jà contée), les gens ne l’appelaient pas autrement que «  la
Curotte  », mais derrière son dos, car elle avait bon bec, vif et
émoulu. Néanmoins, pour vaillante qu’elle fût, elle changea quelque peu de
visage à voir mon escorte.
    — Mais qui est celui-là ?
dit-elle, alarmée assez en désignant Giacomi, lequel était grand et mince comme
une épée.
    — Le maestro Giacomi, dis-je,
est assistant du grand Silvie, le maître en fait d’armes de monseigneur le Duc
d’Anjou.
    — Et cette montagne
d’homme ? dit-elle en montrant du doigt Fröhlich, lequel, à cet instant
même, courbait le chef pour passer la porte et mettait de biais ses tant larges
épaules pour ne les point heurter au chambranle.
    — Un archer du Louvre passé à
mon service, dis-je, aussi attentif à ne point nommer le Roi de Navarre que je
l’avais été à mentionner le frère du Roi.
    À quoi s’accoisant, la Curotte nous envisagea tous les quatre (Miroul étant jà connu d’elle) et observant que
sous nos capes nous portions dagues et épées, elle dit d’un air fort
effrayé :
    — Mon noble Moussu, que
voulez-vous à mon maître ?
    — Ma commère, dis-je, le ton
débonnaire, mais l’œil froidureux, c’est affaire entre lui et moi.
    — Ha ! Moussu !
s’écria Jacotte, allez-vous vous revancher sur lui de ce qu’il a de prime
témoigné contre vous lors de votre duel contre Fontenac ? Ignorez-vous
qu’il avait, ce faisant, le cotel à la gorge ?
    — Ou peut-être, dis-je, ne me
voulant pas trop bénin, le poignet bien graissé ? Mais, Jacotte, point
n’en veux avec toi débattre. Va sans barguigner plus outre quérir ton maître et
me le ramène céans. Miroul, suis-la qui-cy qui-là, sans désemparer. La garce ne
doit quitter le logis que nous n’ayons l’affaire terminée.
    À quoi Jacotte devint plus tremblotante
que feuille de peuplier et sur le chemin jusqu’à l’oratoire du curé, se laissa
par mon valet pastisser sans rebéquer le moindre.
    — Ha ! Moussu ! me
dit plus tard mon effronté Miroul, si le temps et l’occasion s’y fussent
prêtés, j’eusse pu à loisir huguenoter la Curotte, tant elle avait
appétit à mes bonnes grâces, craignant que je ne l’expédiasse, son fourbe étant
occis.
    Lequel fourbe n’avait pas la crête
fort haute quand il parut, ou plutôt comparut devant moi en la salle où nous
l’espérions tous trois, la dextre sur la poignée de nos épées et le dos chauffé
à son feu. À dire le vrai, Fröhlich, plutôt que d’envisager la porte, avait
l’œil fiché sur une terrine de confit d’oie et un flacon de vin rouge qui
attendaient notre hôte, sa table étant jà dressée pour un petit souper qu’il
était accoutumé à gloutir avant que de s’aller endouilletter en sa coite, notre
homme se trouvant tant gros mangeur que mon Suisse de Berne, et au surplus, si
j’en croyais la Maligou qui en avait tâté, insatiable paillard : on l’eût
pu deviner d’ailleurs à sa trogne cramoisie et à son nez, tant gros qu’il lui
tombait sur ses épaisses et friandes lèvres, l’œil, en revanche, étant fort
petit, mais brillant et rusé, et le front fort bas, me donnant à penser que
Pincettes avait
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