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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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plus, je me levai et lui tournant l’épaule, je présentai mes
bottes au feu pétillant dans l’âtre, m’apensant que le drole était moins
ménager de son bois que la frérèche, ses ouailles lui garnissant son bûcher en
fagots, son cellier en vin, son charnier en venaison, son garde-lard en confits
d’oie. Car il n’était point brebis en cette paroisse, pas plus qu’en Taniès,
qui, outre l’annuelle tonte de la dîme, n’allât se tondre elle-même, bon mois,
mal mois, pour nourrir à tas son pasteur : tant est qu’au prix de quelques
patenôtres, le chattemite vivait comme rat en fromage, le dos au feu, le ventre
à table et la Jacotte sur sa coite : bien marri j’étais, à y penser plus
avant, d’avoir à graisser encore le maraud qui, à n’en pas douter, était céans
l’œil et l’oreille de l’évêché de Sarlat où il se rendait, une fois la semaine
soit sur le char d’un laboureur, soit sur sa mule. Aussi ne voulais-je point
qu’il allât défaire par son dire mes latines attestations.
    — Curé, dis-je, j’ai ouï que la
belle statue de la Benoîte Vierge en l’église de Marcuays était toute
dépeinturée des innumérables attouchements que les fidèles lui ont faits en
leurs prières.
    — C’est hélas ! vrai, dit
Pincettes avec un gros soupir, et la mine tout soudain allumée, mais la cure
n’a pas de clicailles assez pour la faire redorer.
    — Voici, dis-je en le posant
sur la table, un écu franc et non rogné pour lui redonner son éclat. Ce don,
repris-je en français, en arrêtant de la paume ses grâces et ses mercis, doit
rester en Marcuays et Taniès déconnu mais non point de qui tu sais en Sarlat où
j’ose penser qu’il fera voir d’un meilleur œil un gentilhomme de qui la vie fut
préservée par le Roi et le Duc d’Anjou dans les traverses que l’on connaît…
    — Moussu, dit Pincettes en me
faisant un profond salut, je suis très assuré qu’il en sera comme vous le
désirez, et quant à moi, je n’y épargnerai pas mes peines.
    Au sortir de ce douillet logis, la
bise nous attaqua aigrement la face, le temps étant fort frais devenu et se
ressentant plus de la neige que de la pluie.
    — Ha Moussu ! dit mon vif
et fluet Miroul en se mettant au botte à botte avec moi, Giacomi et Fröhlich
trottant derrière nous, nos sabots résonnant étrangement sur la pierre du
chemin en le silence de la nuit, ha Moussu ! N’est-ce pas damnable de
bailler pécunes pour le dorement d’une idole papiste ?
    — Encore, Miroul, dis-je, ne
m’en a-t-il coûté qu’un écu. Mais il en coûta cinq cents à la frérèche lors de
l’achat de Mespech pour gagner l’évêché, lequel en tenait pour Fontenac.
    — Mais une idole. Moussu !
    — Ha Miroul, dis-je, qui la
dore ne l’adore point !
    — Mais qui l’adorne la fait
adorer ! dit promptement mon gentil Miroul qui, tout valet qu’il fût,
aimait les giochi di parole [1] tout autant que le plus italianisé courtisan.
    — Bah, Miroul ! dis-je,
bien peu nous chaut si les bonnes gens des villages lui baisent mains et pieds.
Doit mon joli Samson faillir à marier sa Gertrude, et moi-même, mon Angelina,
faute de quelques couleurs barbouillées sur du bois ? N’en parles-tu pas
trop à ton aise, Miroul ?
    — Moi, Moussu ?
    — Toi, Miroul, qui as l’heur
d’aimer une huguenote, laquelle tu pourras tout de gob épouser sans ces détours
et ces débours.
    À quoi, s’il n’avait fait nuit,
j’eusse vu mon Miroul rougir pour ce qu’il était fort raffolé de sa chaste
Florine, étant toutefois à moi si affectionné qu’il avait juré de ne point
convoler avant que j’eusse reçu mon Angelina à l’autel.
    Jurement que je n’eusse songé à
quérir de lui tant mon projet de la marier était précaire, M. de Montcalm étant
si tyrannisé de son confesseur qu’il ne voulait d’un hérétique pour gendre,
encore que je lui eusse la vie gardée, et à sa femme et sa fille l’honneur,
dans mon combat contre les gueux de Barbentane qui les tenaient captifs.
Cependant, j’avais pour moi, et Angelina et M me de Montcalm,
lesquelles, par leur courrier, m’entretenaient dans l’espoir que ledit
confesseur se trouvant vieil et mal allant, elles pourraient, quand le Seigneur
en sa bénignité le rappellerait à lui, le remplacer auprès de M. de Montcalm
par le Père Anselme, celui-ci étant jà le secrétaire du Comte et m’aimant fort
pour avoir à mon côtel retroussé sa bure pour
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