Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
la main, lequel contenait une liqueur verdâtre
assez peu ragoûtante, mais que son regard bleu azur envisageait en fort
amoureuse guise, tant est qu’il paraissait ne point voir ceux qui étaient
présents et point même Gertrude, vers qui pourtant il marcha sans le secours de
ses yeux, comme limaille attirée par l’aimant.
    — Ha mon joli Samson !
cria-t-elle, courant à son tour à lui comme poule à son poussin, comment vous
voilà fait ! Sans votre fraise ! Le pourpoint à la déboutonnée !
La manche relevée ! Le bas de chausse tombant ! Et le cheveu comme
quenouille emmêlée !
    — Ma mie, dit-il la voix fort douce,
l’œil innocent, et de sa face fort semblable à un saint de vitrail, j’ai
labouré les cinq heures passées à façonner cette médecine que voilà
(brandissant, ce disant, le verdâtre flacon) à partir de douze éléments,
desquels, décoctés, ou sublimés, ou en poudre réduits, et mêlés par moi en
bonne proportion, j’ai fait un breuvage fort idoine, à ce que j’opine, à curer
le flux de ventre dont pâtit la Maligou.
    À quoi Quéribus, bon muguet qu’il
était, s’esbouffa de rire, mais sa fine main sur la bouche et se détournant.
    — Baron, dit Gertrude le
gourmandant, je ne veux point qu’on se gausse ! N’est-ce pas charité bien
évangélique que cet ange de Dieu ait labouré cinq grosses heures pour soulager
l’intempérie d’une simple servante ?
    À quoi, tournée vers Samson, elle
ajouta, sans logique aucune, et du même ton encoléré :
    — Samson, n’êtes-vous pas
vergogné de m’avoir barré votre porte toute une après-midi pour façonner cette
horrible potion ? Zara, prends-la-lui des mains, et la pose, là, sur la
table !
    — Madame, je ne peux, j’ai les
doigts frottés d’onguent, dit Zara, me laissant émerveillé qu’une chambrière
eût des mains si délicates qu’elle ne pût à rien toucher de l’aurore à la nuit.
    — Zara, havre de grâce !
Cours du moins quérir la fraise de mon Samson en sa chambre ! dit Gertrude
qui, même en ses ires, passait tout à sa dame d’atour, comme elle aimait à la
nommer.
    À quoi Zara obéit avec une de ses
moues et fort à rebrousse-poil, aspirant peu à quitter la tiède chambre pour
s’aller plonger en la froidure du reste du logis. Et moi, voyant notre Gertrude
fort rebelute à s’approcher plus près de Samson tant qu’il tiendrait le
verdâtre flacon, je lui commandai de le poser de soi sur la table, ce qu’il
fit, paraissant mal réveillé du labour enchanteur à quoi il avait consumé la
moitié de ce jour, car il aimait ses bocaux comme fol, ainsi que je l’ai dit
déjà.
    — Venez là, mon joli
méchant ! dit Gertrude en le saisissant par le poignet et en le faisant
asseoir sur une escabelle devant son miroir illuminé. Après quoi, elle
entreprit incontinent de nettoyer avec de l’esprit-de-vin ses doigts tachés.
    Prenant mon Quéribus par le bras, je
laissai notre belle à cet appropriement, ne doutant pas qu’elle ne le menât à
bien, d’autant que Zara réapparut, trottinant sur ses hauts talons, la fraise
de Samson à la main, pour la lui remettre au col, une fois son pourpoint
boutonné.
    Le petit viret que nous descendîmes
l’un derrière l’autre nous sembla fort glacial comme si le vent avait eu
pouvoir de passer à travers les pierres rondies dont il était façonné. Mais
saillant en la grand’salle et closant l’huis qui fermait derrière nous la
froidure des degrés, que hautes, claires et confortantes nous parurent les
flammes des deux cheminées face à face !
    Nos gens étaient déjà assis chacun à
sa place, au bas bout de la table, le bonnet sous le cul, les mains lavées et
la bouche cousue, tandis que Sauveterre et Siorac marchaient de long en large,
non point côte à côte, mais en sens opposés. Et se croisant au milieu de leurs
respectives navettes, échangeaient quelques mots à la volée, Sauveterre comme à
son accoutumée prenant soin de ne jamais mettre le pied sur le joint des
grandes dalles, ce qui le contraignait à faire, quand et quand, un grand pas ou
un petit pas : tâche peu facile, vu qu’il claudiquait de la navrure qu’il
avait reçue à la gambe senestre, vingt-sept ans plus tôt, à Cerisolles.
    — Cornedebœuf, gronda-t-il (ce
bœuf et cette corne composant le seul juron qu’il se permît), quel extravagant
débours que deux feux en la même salle !
    — N’est-ce point pour cela que
nos deux
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher