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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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cheminées furent bâties ? dit mon père en le croisant. Chacune
chauffant sa moitié d’air.
    — Mais deux feux ! dit
Sauveterre, quand on eût pu se passer d’un seul !
    — Nous peut-être, dit Siorac
poursuivant son chemin, et son dos au dos de Sauveterre répondant, mais non
point les dames qui vont le tétin à demi découvert.
    Et que ce fût là parole taquinante
pour tabuster son frère, j’en suis bien assuré.
    — La peste soit de ces ruineux
tétins ! grommela Sauveterre, poursuivant son chemin jusqu’à son bout,
l’œil fixé sur le joint des dalles. Ne les peut-on vêtir de laine pour ménager
notre bois ?
    — Que ce serait pitié !
dit mon père à mi-voix et parvenu à son extrémité de salle.
    Mais Sauveterre avait l’ouïe fine.
    — À ce compte, dit-il, tirant à
nouveau vers Siorac, notre bois fera l’an à peine.
    — Allons, mon frère, dit
Siorac, nous avons assez de bûches au bûcher pour nous durer deux hivers.
    — Mais non un rude hiver comme
sera celui-ci, dit l’oncle : quérez-en plutôt notre Faujanet (il
prononçait comme nous tous « Faujanette », à la périgordine).
    — Faujanet, dit mon père,
s’arrêtant le sourcil levé et tournant la face vers le bas bout de la table,
que sais-tu de l’hiver qui vient ?
    Faujanet se leva, lequel était comme
Sauveterre (raison pour quoi ils étaient l’un à l’autre tant affectionnés)
noiraud de peau et claudiquant. Mais avant que d’ouvrir le bec, il prit le
bonnet qui chauffait entre sa fesse et l’escabelle et le tourna entre ses deux
rudes mains pour bien marquer qu’il parlait au co-seigneur le chef découvert.
    — Moussu, dit Faujanet, j’étais
cette matine pour faire plus droit notre talus des Beunes quand je tombai sur
un terrier. Tiens donc, m’apensai-je, un lapin ! Et je creusai et je
creusai. Mais point ! C’était marmotte ! Et enfouie à une bonne
demi-toise ! Preuve donc que l’hiver vient tôt cette année, et sera dur,
et que la neige est pour rester.
    Cette prédiction – qui
paraissait à tous fort certaine, personne ne mettant en doute la sagesse de
l’hivernante marmotte à chercher chaleur au plus profond – fit que nos
gens tirèrent une mine fort longue, ce qu’observant mon père, il ne manqua pas
de gausser pour leur redonner du ventre :
    — Cand avetz fred, dit-il en oc, cal tener lo tiol estrech [2] . Ce qui ne faillit
pas à les faire rire à gueule bec et ce faisant, d’envisager lou moussu d’un air d’atendrézie connivence comme s’ils lui savaient gré de citer les
proverbes qui avaient nourri leurs enfances.
    — Avec votre permission,
Moussu, dit Faujanet, à qui on sentait bien que revenait la citation suivante,
vu qu’il était celui-là qui avait trouvé la marmotte, « annada de neu,
fe de jintilôme, annada d’abonde [3]  ! »,
ce qui les fit tous et toutes esbouffer à ventre déboutonné, non qu’il y eût
rien de comique en ce confortant proverbe, mais pour ce que Faujanet qui était
notre tonnelier, avait dit, parlant en son nom, « foi de
gentilhomme », et l’avait dit, qui plus est, parlant à un baron. Aussi
bien était-on aise assez de rabattre quelque peu Faujanet dont on voyait bien
qu’il allait s’enfler tout l’hiver de sa trouvaille, surtout si elle avait dit
vrai.
    Les rires cependant cessèrent et nos
gens se levèrent, comme Siorac les en avait de prime requis, pour honorer Dame
Gertrude du Luc, quand, l’huis du viret s’ouvrant, elle entra, précédée de Zara
et de Samson, celui-ci fraisé et boutonné, ses belles boucles de cuivre
coiffées à ravir et portant les deux chandeliers qui dissipaient en flammettes
les pécunes de la châtellenie, Zara se bornant à déclore devant lui la porte,
ce que même une suave main pouvait faire sans se gâter.
     
     
    À vrai dire, nos gens n’avaient pas
à se forcer prou pour s’accoiser, tant ils béaient devant la blondeur de la
Normande et devant ses splendides affiquets qui ramentevaient aux plus vieils
ma défunte mère en ses bijoux et atours, tant est que d’aucuns – hors
d’ouïe de Sauveterre – opinaient que pour grand que fût le débours en
viandes, en bois et en chandelles, le château paraissait plus gai depuis que
les « dames » y logeaient, ma nourrice Barberine ajoutant –
papiste qu’elle restait dans l’âme sous sa croûte huguenote – que Dame
Gertrude était « tant belle et bonne que la Benoîte Vierge », et
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