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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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hérétique
huguenot ! Vous appelez ainsi mes pieux pèlerinages !
    — Le but était pieux, dis-je
roidement, mais non les chemins qui y menaient. Et ces chemins-là, comme bien
on sait, abondent en périls pour la vertu des dames.
    — Ha mon frère ! dit-elle
approchant de moi sa belle face, et son cheveu blond éclairé par les flammes
lui faisant autour de sa gracieuse tête une auréole à laquelle je doutais
qu’elle eût droit. Ha mon frère ! dit-elle contrefeignant une charmante
confusion, quels indignes soupçons ! Moi qui, en ces voyages, ne soupirais
qu’après mes indulgences !
    — C’est placer le remède bien
trop près du mal, ou le rebours, dis-je avec un sourire. Et de reste, de ces
indulgences vous n’aurez plus métier, quand vous vivrez hors péché avec Samson
dans les liens du mariage.
    — Cela est vrai, dit-elle,
retirant ses mains de mes épaules et s’appuyant avec un gros soupir au dosseret
de sa chaise.
    Elle s’accoisa alors un petit, la
belle Zara debout à son côté, mais non certes comme son ange gardien, son bel
œil compatissant allant de sa maîtresse à moi et en cette minute du moins, ne
m’aimant guère plus que mon valet.
    — Faut-il donc promettre de ne
plus pèleriner ? dit Gertrude avec un nouveau soupir.
    — Il le faut.
    — Ha ! Cruel !
dit-elle. Comme vous me tabustez !
    — Pour l’amour de qui vous
savez.
    — Mais, dit-elle, le
marierais-je, si je ne l’aimais point ?
    — Ha Gertrude ! dis-je en
me levant avec quelque impatience, je vous connais bien là ! Vous voulez
tout avoir, et Samson, et vos jolis périples ! Mais cela ne se peut !
    — Hé Monsieur ! dit tout
soudain d’un ton encoléré Zara, ne voyez-vous point comme vous mortifiez
excessivement ma maîtresse à faire ainsi le fendant et le tyranniseur !
Que bêtes brutes sont les hommes à nous mettre ainsi le cotel à la gorge !
Fi donc ! Quelle méchantise ! Et que vous chaut le ménage de Monsieur
votre frère quand il sera marié ! Est-ce donc là votre affaire ?
    À quoi je ne répondis ni mot ni
miette, faisant mine de ne point ouïr, et sans plus envisager Zara que si elle
avait été souche sur le bord du chemin. Attitude qui la chagrina fort, pour ce
que mes seuls regards, à l’ordinaire, la couvraient de fleurs, pour ne rien
dire des louanges dont je n’étais pas chiche et qu’elle buvait comme l’herbe,
la rosée du matin.
    — Paix là, ma Zara ! dit
Gertrude. Paix, je te prie, mon petit bec ! M. de Siorac est fort soucieux
de la simplesse de mon joli Samson, et ne le voudrait pas voir pâtir de mes
féminines faiblesses contre quoi il tente, en bon frère, de me remparer. C’est
là tout le mystère. Et c’est bien fait à lui, Zara, même si cela va très au
rebours de mon estomac. Ha Pierre ! reprit-elle avec un soupir, ce n’était
point tant un mauvais état que d’être veuve, libre de mes pécunes, libre
surtout d’ouvrir mes ailes et de pèleriner bon an mal an, à Chartres, à Thoulouse,
à Rome, à Compostelle, partout où j’avais fantaisie… Mais je vois bien que si
je veux mon Samson, il me faut mettre une croix sur mes belles chevauchées.
    — Y êtes-vous donc à la fin
résolue ? dis-je d’un ton plus doux.
    — Tout à plein.
    — Ha Madame ! dit Zara, une
larmelette au bord des cils, pour ce qu’elle était intéressée à ce débat, ayant
été partie aux commodités et délices de ces voyages.
    — Ma sœur, dis-je à Dame du
Luc, mettant un genou à terre et portant à mes lèvres sa belle main, ne me
gardez pas une trop mauvaise dent de mon zèle. Mais vous connaissez l’innocence
de mon Samson et son imployable rigueur. Au moindre écart, il vous
retrancherait de lui-même comme un membre pourri, dût-il se mutiler à jamais le
cœur.
    À quoi ouïr, celui de Gertrude, qui
était aussi tendre que ses sens étaient faibles, n’y put tenir davantage, et
elle se mit à sangloter son âme, que ce me fut pitié de la voir et à Zara
aussi, qui me rejoignit à son genou, et à nous deux la confortant et la
caressant, nous lui fîmes tant de baisers, mêlés à tant de mignardies, qu’à la
fin elle s’apazima.
    — Mon Pierre, dit-elle quand sa
gorge, étant désangoissée, lui permit derechef la parole, si vous n’aimiez
Angelina, et si je n’aimais Samson, c’est vous que j’eusse dû marier : car
vous êtes avec moi tant roide et clairvoyant que je trouve je ne sais quel
soulas à vous obéir
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