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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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l’engloutissent.
    Il avait évoqué Luciane. Or, la blessure qui l’endolorissait, c’était le trépas d’Ogier d’Argouges, son père. Il redoutait de le lui révéler. De lui apprendre, ensuite, qu’elle avait eu un frère bâtard, une sorte de truand qu’il avait dû occire après que ce démon, Lionel, eut meurtri son géniteur, bassement et sans remords. Quelques jours après, il annoncerait à son épouse qu’il souhaitait partir pour la Langue d’Oc afin de revoir son père, Thoumelin de Castelreng, – s’il vivait encore -et conclure la paix avec lui. Il se connaissait une autre navrure, plus secrète, et qui suppurait de temps en temps : il voulait se recueillir sur la tombe d’Oriabel. Tiercelet l’accompagnerait. Le brèche-dent ne l’avait-il pas ensépulturée en un lieu connu de lui seul ?
    Comme il était loin, soudain, de Bordeaux où les retrouvailles du prince et de sa bonne gent touchaient à leur fin !
    – Je vais, dit Calveley, te mettre en prison courtoise, c’est-à-dire te confier à la surveillance de mes hommes. Le prince m’a donné son accord ce matin. Point de verrous. Si vous voulez sortir hors des murs, toi et ton écuyer, ce sera en ma compagnie. Quant à mes soudoyers – ceux qui sont demeurés à Bordeaux -, ils vous devront le respect. Paindorge et toi partagerez la même chambre. Elle ouvre sur un grand cortil 11 où vous aurez vos aises. Vous mettrez vos chevaux dans mon écurie… Je vais faire en sorte de vous rendre la liberté au plus tôt, mais il faudra qu’Édouard y consente…
    Tristan ne voulut pas en savoir davantage. Il demanda cependant :
    – Les autres ? Guesclin, Villaines, Audrehem, Neuville…
    – Ne les imagine pas au pain et à l’eau dans quelque cachot infect. On va les soigner : tous vont être frappés d’une bonne rançon… Allez, venez : tournons bride… Toi aussi, Shirton… Ah ! Ah ! Sur le perron de son palais, la belle Jeanne vient d’apparaître… Édouard l’étreint. Il ne voit plus qu’elle… Grand bien lui fasse.
    – À lui ou à elle ? demanda Tristan sans pour autant observer le couple enlacé.
    – Ah ! Ça, ricana le géant roux en menant son cheval dans une ruelle au bout de laquelle palpitaient des feuillages, je ne serai pas, ce soir, sous leur grand lit aux plumes d’or !
    *
    Calveley logeait à la porte de la Grosse-Tour ou porte Saint-Eloi qui communiquait avec la seconde enceinte. C’était un ouvrage immense, en voie d’achèvement, et qui comprendrait six tours. Lorsque les trois dernières s’élèveraient au niveau des autres, l’ensemble atteindrait au moins vingt toises de hauteur non compris les toits en poivrière. Au-dessus de la porte principale, dans une arcade supérieure à jour, on avait suspendu une cloche qui ne sonnait, dit Calveley, que pour annoncer les joutes et les tournois toujours suivis de frairies comme on n’en apprêtait qu’à Bordeaux.
    – Vous verrez, mes compères, qu’Édouard fêtera son retour par un grand pardon d’armes. Il n’attendra pas le 18 octobre…
    – Pourquoi un tel jour ? demanda Paindorge.
    – Parce qu’il y célébrera en grand bobant 12 l’anniversaire de son mariage. Il y aura six ans, ce jour-là, qu’il a épousé Jeanne 13 . Mais mettons pied à terre. Je vais vous faire visiter votre geôle.
    Le mot sinistre, enrobé d’un grand rire, perdait sa signification. Tristan, les rênes de Malaquin dans sa dextre, suivit l’Anglais d’un pas ferme.
    – J’espère, dit Paindorge, qu’on n’aura pas, la nuit, les fers aux chevilles !
    *
    Contiguë à la Grosse-Tour et comme écrasée par ses murs qui la drapaient d’une ombre immense, la demeure de Calveley comportait un seul étage. C’était là que le géant trouvait le repos et la quiétude lorsqu’il séjournait – rarement – à Bordeaux. Le plafond lourdement poutré de la pièce principale épousait en partie la pente du toit. Il n’avait pas été nécessaire de l’exhausser pour qu’il convînt à un hôte d’une taille exceptionnelle. On trouvait dans cet espace imprégné d’une odeur de lavande un bahut, un lit dont les dimensions eussent certainement ébaubi Procuste, deux escabelles et une table sur laquelle luisaient faiblement une pile d’écuelles, des cuillers et un candélabre d’or. Shirton disposait d’une chambre qui donnait sur la longaigne (346) . Il y veillait sur les armures et armes du grand homme.
    Les fenêtres
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