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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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un accostage ou partant, leurs voiles à demi ferlées, pour quelque havre d’Angleterre. Les écus suspendus aux flancs des vaisseaux et les pennons déployés à la cime des mâts livraient aux regards, par les armes figurant dessus, les noms des seigneurs sur le point d’aborder en Aquitaine ou repartant pour la Grande Ile. Ils exprimaient aussi une sorte de joie : celle de régner sans partage sur terre et sur mer.
    Shirton qui s’était laissé glisser de l’avant de l’armée à l’arrière, confirma que le prince et ses prud’hommes avaient décidé de costier le fleuve. Après la forêt de mâts des navires au mouillage, Tristan put voir paraître peu à peu, sur la rive ouest, la cité en forme de croissant hérissée de ses tours et de ses clochers.
    – Grosse ville, hein ? questionna Calveley en approchant son cheval de Malaquin qui s’ébroua, vu la taille de son congénère.
    – Hum… fit Tristan.
    – Seule Londres devance Bordeaux en volume et en étendue, mon compère. Mais Bordeaux la supplante en beauté ainsi qu’en richesses de toute sorte : vins comme oncques n’en vit et but ailleurs, pas même en Espagne ; tissus, cuirs de Guyenne, armes d’un acier meilleur qu’à Solingen… C’est la cité des fèvres et des corroyeurs… Regarde dans le ciel ces fumées assez laides : ce sont celles des forges. La besogne ne s’y interrompt que pour les grandes liesses décidées par le prince.
    Et comme ils immobilisaient leurs montures, l’allure des hommes, en tête du cortège, s’étant subitement alentie :
    – Vois ces bannières d’Angleterre avec ce lambel blanc qui n’est pas à mon goût car il efface quelques lis et préjudicie les léopards… Cela signifie que l’on va célébrer notre victoire par moult réjouissances…
    – Grand bien vous fasse !
    – Le prince a son logis en l’abbaye Saint-André. Il en a fait un séjour magnifique où son épouse règne sur tous les beaux esprits et les cœurs. Il se peut, puisque je t’y emmènerai, que tu rencontres la belle Tancrède. C’était la cousine d’Ogier d’Argouges. Elle est l’indispensable amie de la divine Jeanne.
    Tristan trouva cette précision teintée d’une acerbité légère sans pouvoir deviner qui en faisait les frais. Lui ? C’était peu probable. La belle Jeanne ? L’énigmatique Tancrède dont son beau-père l’avait parfois entretenu avec une hâte et un émoi singuliers ? Comme il allait enfin atteindre les murailles, il fut absorbé par une curiosité d’une autre espèce : quelle épaisseur, ces hauts murs ? Combien de gardes la nuit ? Ah ! Oui, cet examen sommaire l’emportait sur l’intérêt qu’il pouvait accorder à deux femmes dont il n’avait et n’aurait aucun souci.
    – J’ignore, dit Calveley, le nombre de tours qui renforcent ces murs, mais je sais que seize herses et seize portes condamnent l’accès de la cité. Par ces seize postils vont et viennent les compagnies et les gens du négoce qui rendent Bordeaux prospère. C’est par ces ouvertures que le prince apporte et enfourne son butin et c’est aussi par elles que les coffres partent pour l’Angleterre après qu’Édouard a prélevé sa rate (345) . Il y a céans plus de comtes et de barons qu’à Londres, plus de jolies femmes aussi, puisqu’ils les ont emmenées avec eux. En vérité, on s’ennuie moins que sur notre Grande Ile. Les marchands petits et grands font fortune. Comme ces dernières années le flux des hommes, femmes et enfants de toute sorte a laissé pressentir une pénurie de la plupart des bonnes choses qui nous font la vie agréable, le prince a envoyé une partie de son armée à Dax…
    Sans perdre un mot des propos du géant, Tristan regardait les archers du guet, immobiles de part et d’autre de deux tours portières. Ils étaient coiffés du chapel de Montauban et vêtus, sur leurs mailles fines, d’une cotte hardie aux armes d’Édouard le Jeune, mi-partie de bleu et de rouge avec sur la poitrine l’écu que les Français avaient en aversion : par deux fois de gueules à trois léopards d’or mis l’un sur l’autre, armés et lampassés de même, par deux fois d’azur semé des lis de France, et posé en chef le lambel à trois pendants qui différençait le prince de son père 5 . Des genouillères de fer au-dessus des heuses de basane complétaient le harnois de ces hommes au teint fleuri par une bonne chère.
    Ils entrèrent, salués avec respect par
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