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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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outrance. Un autre dont le nom lui échappait, un poumon outrepercé par le fer et le bois et criant, suppliant qu’on l’achevât… Forcenneries !
    Assez souvent, les lances se brisaient à leur extrémité ou demeuraient plantées dans les targes. Les chevaux excités par l’odeur du sang se heurtaient de front, s’arrêtaient tout cois et même s’asseyaient, le spume aux lèvres. Certains prétendaient qu’en dépit du danger réel, les morts étaient rares et les navrures peu sérieuses. Il suffisait de savoir s’y prendre, et bien que le péril fût grand, il n’existait vraiment que si les hommes voulaient s’occire ou s’infliger de grièves blessures.
    – Je ne sais, dit Calveley, quelles sont vraiment les intentions du prince. Va-t-il se contenter d’une joute cruelle ? Voudra-t-il lui adjoindre un pas d’armes ?
    Et brusquement, sa grande main happant l’épaule de Tristan :
    – Il existe un moyen de sortir de Bordeaux : participer à ces joutes. Je suis certain qu’Édouard te donnera son agrément.
    – Pour avoir le plaisir de me voir trépasser.
    – Ce plaisir, tu te dois de le lui refuser.
    – Certes… Et Guesclin, qu’en fais-tu ?
    – Franchement : le crains-tu ?
    C’était presque, de la part du géant, une offense involontaire.
    – J’aimerais lui fournir une bonne leçon… Crois-tu qu’il en sera ?
    – J’en doute. Le prince qui connaît les accès de fureur du Breton ne tient pas, – j’en jurerais – à ce qu’il se revanche de sa captivité sur nos prud’hommes, même s’il en existe quelques-uns que je sais et qu’il sait capables d’infliger à Bertrand une leçon désagréable en le meshaignant au sang… Toi, nul ne te connaît. Tu as moins à défendre ta réputation que ta vie. Je dis bien ta vie car Édouard va enjoindre à certains de t’occire. C’est même à ton intention, sans doute, qu’il a préféré le picot de fer au rochet (348) .
    –  Je lui en sais bon gré, ricana Tristan.
    Les événements dépassaient ses prévisions. Le prince avait exigé de Calveley qu’il fixât le prix de sa rançon. Le géant avait éludé cette exigence, mais il faudrait bien qu’il s’y soumît. Or, cette rançon, quelque mince qu’elle fut, resterait impayée, l’otage étant sans pécune.
    – Et si tu évaluais le prix de mon otagerie ?
    Calveley s’esclaffa. Sa main quitta l’épaule où elle n’avait cessé de s’appesantir.
    –  Tu ne pourrais l’acquitter, tu me l’as dit cent fois. Et je suis désintéressé, tu le sais. J’aime à faire payer les riches. Tu es pauvre et de plus nous sommes compains… Le seul moyen que tu aies de t’affranchir d’un grand ramas de contraintes, c’est, si le prince y tient, de courir des lances contre ses champions.
    – D’exposer ma vie et de vaincre.
    À y bien songer, il s’agissait là de deux exigences incompatibles.
    –  Vue victis, grommela Tristan pour conclure. Malheur aux vaincus.
    C’était peut-être une bonne idée qu’il prit part à ces joutes. Il pouvait, la bonne chance l’y aidant, s’imposer devant ce gros malitorne couronné qui régnait sur l’Aquitaine en espérant régner un jour sur l’Angleterre. Ce serait aussi l’occasion de confirmer à sa belle épouse – qui elle aussi reconnaîtrait en lui l’homme qui avait voulu capturer son mari – combien il était solide et habile. Calveley pencha de côté sa haute et lourde tête :
    – Tu te montres le meilleur et tu acquiers ta liberté… Si tu me dis maintenant que tu acceptes, nous irons tous les deux, demain, trouver le prince.
    Tristan, dressé, dissimula son désappointement et accepta de Calveley la grande main offerte.
    – J’accepte, mon ami… Je n’ai pas d’autre choix.
    *
    Tristan se montra surpris qu’un jour de semaine la cité de Bordeaux fut animée comme lors d’une fête, bien que les bannières, tapisseries et ornements de toute sorte en montre lors de la revenue du prince eussent tous été retirés.
    – Le soleil préjudicie les couleurs, dit Calveley. Le prince et son épouse aiment les teintes vives.
    – Même pour célébrer des jeux mortels ?
    Calveley se garda de répondre et Tristan s’excusa pour son acerbité.
    Sur la grand-place, devant la cathédrale et l’abbaye Saint-André, une foule s’était amassée, composée de clercs, échevins, soudoyers, marchands et marchandes, bourgeois, bourgeoises et manants. Des commères allant aux provisions
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