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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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s’ouvraient soit sur la rue passante, soit sur le jardin au fond duquel, telles des fleurs géantes aux triples corolles vermeilles, deux bersails 14 d’osier égayaient un mur dont la hauteur dissuadait toute velléité d’ascension. La chambre des prisonniers était petite. Sa porte sans verrou donnait de plain-pied sur l’aire gazonnée où s’élevaient les ferrures d’un puits dont l’eau, imbuvable, ne pouvait convenir qu’à la toilette.
    – Vous boirez du vin, dit Shirton.
    – Vous mangerez comme nous, ajouta Calveley.
    – Les gardes ? interrogea Tristan.
    – Cinq en tout. Ils logent au-dessus de l’écurie qui clôt, comme vous le voyez, toute une longueur du jardin… Je vous quitte. La nuit va tomber. Jack vous apportera le vin et la pitance.
    – Ainsi qu’une chandelle, ajouta l’archer.
    Ils s’éloignèrent.
    Si Paindorge s’interrogea sur la promptitude de ce départ, Tristan n’en fut point marri il avait moins faim que sommeil. Il allait pouvoir dormir dans un lit, certes étroit, mais pourvu d’un matelas épais et dont les draps fleuraient le propre. Cela seul pour ce soir avait quelque importance.
    – Comment fera-t-il pour nous rendre la liberté ? interrogea Paindorge en s’allongeant, sans même se dévêtir, sur sa couche.
    – Le prince me hait, et ses raisons sont bonnes. Je doute qu’il me relaxe aisément. Tu verras que, malgré l’intercession de Calveley, il m’imposera une épreuve terrible à l’issue de laquelle seule la male mort me pourra délivrer !
    – N’oubliez pas, messire, qu’il me déteste aussi.
    – Eh bien, Robert, si Dieu le veut, nous mourrons ensemble !

II
     
     
     
    Tristan s’accommoda mieux que son écuyer d’une réclusion feutrée où, dans une oisiveté constante, il régénérait ses forces. Le vin était bon, la nourriture abondante et les gardes d’une déférence agréable. C’étaient d’anciens guerriers éprouvés lors de grandes batailles : l’Écluse, Crécy, Poitiers. Bien que toujours vainqueurs, ils abhorraient la guerre. Deux y avaient laissé un bras, un troisième une jambe. Les deux autres, plus jeunes, y avaient perdu un père, un frère. Leur acrimonie, au lieu de croître et durcir, s’était muée en indifférence, voire en sagesse. En outre, quatre d’entre eux avaient connu Ogier d’Argouges lors de son otagerie chez Calveley, à Bunbury, son fief. Plutôt que des geôliers, c’étaient des ostiaires 15 .
    Le dévoué Hugh fréquentait peu son domicile. Ses visites, parfois tardives, restaient celles d’un ami.
    Trois jours après ce que Paindorge nommait leur incarcération et Tristan leur otagerie, le géant roux revint joyeux du palais que le prince de Galles ne quittait guère. Il s’assit sur la margelle du puits après avoir jeté un regard sur les cibles où Shirton avait laissé ses sagettes, toutes admirablement plantées.
    – Que vous avais-je dit ? Édouard va fêter sa victoire le dimanche 19, c’est-à-dire dans cinq jours. Grand-messe, procession et joutes au bord de la Garonne… Et tu sais comment on les nomme, ces joutes ?
    –  Des plaideries ?
    – Tout juste, mais ce seront des joutes de guerre.
    Tristan sourcilla : le prince n’était repu ni de sang ni de douleurs humaines. Pour souhaiter les voir s’enferrer devant lui, n’aimait-il pas ses prud’hommes ? Impotent, il les enviait. Gros et laid, il fallait qu’il les défigurât.
    –  Tu le sais aussi bien que moi, dit Calveley, la plupart des chevaliers préfèrent la joute de guerre que les coups pénétrant ès lumières des heaumes, comme on dit… Coups très admirés et sans désagréments mortels…
    – Voire, messire, dit Paindorge, approuvé par Shirton qui venait de franchir le seuil de la maison.
    – Une joute est un déduit (347) dit Tristan, pas un acte homicide.
    Il avait assisté à des plaideries pareilles : Carcassonne, Puivert, Roquetaillade, Caudeval, Mirepoix. Il ne pouvait oublier les combats qu’il avait livrés à outrance dans le champ clos de Brignais contre le redoutable Héliot et sur la berge du Rhône, en Avignon et par-devant le Pape, contre Bridoul de Gozon, presque aussi haut que Calveley et tout aussi hargneux sans doute. Il avait vu des sangs sourdre des heaumes : étincelles vermeilles jaillies des trous des ventailles. Il avait vu un homme, Raoul de Durfort, le bras traversé, le picot d’acier restant dans la plaie, et qui continuait de se battre à
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