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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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pressaient l’allure comme par crainte d’être englouties dans ce conclave d’hommes diserts et de femmes aux mines et formes éloquentes, peu sensibles à leur passage.
    – On dirait la plaza de Zocodover 16 , pas vrai ?
    Tristan acquiesça bien qu’il n’eût discerné – hormis l’affluence – aucune ressemblance entre ces deux espaces où confluaient maintes rues. Pour lui, Tolède et Bordeaux différaient tout d’abord par la vigueur du soleil et de la lumière, ensuite par l’aspect des maisons, la vivacité des hommes, la grâce et la frisqueté 17 des femmes et des jouvencelles. Les gens qu’il découvrait se signalaient à son attention par leurs discussions affables, leurs mouvements d’une tranquillité sans commune mesure avec ceux des Tolédans dont l’intempérance des gestes et la loquèle n’avaient cessé de l’incommoder. Les rires féminins différaient aussi. À l’immodération des Castillanes – et des Sévillanes -, il pouvait opposer la gaieté feutrée des Bordelaises. Tout au moins de celles qu’il observait.
    Devant la demeure du prince, les immenses vantaux cloutés de fer et chargés de puissantes pentures béaient sur des ombres mouvantes aux criblures d’argent. Six guisarmiers surveillaient le passage et repoussaient les curieux. Autant que sa réputation, la taille immense de Calveley les réduisit au silence et à l’immobilité.
    – Viens, dit-il à Tristan. Nous voilà presque dans le Saint des Saints.
    Deux prud’hommes armés de toutes pièces tenaient compagnie à un tabellion à barbe blanche, en robe pourpre assez courte pour qu’on vît ses éperons dorés. Il cochait sur un parchemin les patronymes et titres des visiteurs, lesquels, sitôt franchi le seuil de la demeure, prenaient rang dans la cour entre quatre sergents aux gambisons blasonnés aux armes du prince.
    – Qui est-ce recors ? demanda Tristan.
    – William de Pakington, le héraut et audiencier d’Édouard. L’œil d’un lynx, crois-moi, et la griffe du tigre. Il connaît les noms de tous les chevaliers d’Angleterre avec leur généalogie. Il peut te révéler quels furent les femmes, les enfants et bâtards des prud’hommes de maintenant et d’hier. Nous avons bien fait de venir à pied ; les chevaux emplissent la cour.
    D’un œil distrait, Tristan considéra ces hommes qui saluaient presque humblement Calveley et ces chevaux, tous beaux et suffisamment éloignés l’un de l’autre afin d’éviter les morsures et les ruades. Sa curiosité s’exerçait surtout sur lui-même. Il allait sans doute comparaître devant le prince. Si la haine de celui-ci s’était assoupie, elle se raviverait dès son apparition.
    – Sois quiet, Tristan. Édouard te signifiera ta présence aux joutes. Et s’il décide qu’il y ait aussi un pas d’armes, il est certain que tu en seras.
    – Il fera en sorte que le Franklin détestable que je suis en ait pour sa maine 18  !
    – Certes, mais tu es fort, entalenté, envigouré à des jeux de cette espèce. Je pourrai t’assister mais non te secourir.
    – Je sais… Qu’est devenu Naudon de Bagerant ? S’il participe à ce solas, il fera tout, lui aussi, pour m’occire.
    – J’ignore où il est, ce qu’il fait… Qu’as-tu à craindre ? Robert, ton écuyer, veille sur toi. Comme une ombre vivante, il ne te quitte point… Sauf ce jour d’hui.
    Paindorge, qui ne pouvait prendre part aux joutes, serait-il retenu pour challenger les Anglais si le pas d’armes avait lieu ? Ces Goddons seraient-ils des chevaliers célèbres ? «  Nous ne serons que deux, Robert et moi, pour nous soutenir car ce gros tas de chair malade n’osera nous adjoindre des prud’hommes tels que Villaines, Audrehem, voire Guesclin, Déviés 19 , ils seraient sans valeur, vivants, ils sont en or ! » Ce serait par conséquent au coude à coude que Paindorge et lui affronteraient leurs ennemis. Jeux de sang et de mort dont les relents, déjà, semblaient l’envelopper de leur inhumaine violence.
    – Il est vrai qu’Édouard vous hait, reprit Calveley. Vous êtes, Robert et toi, les seuls hommes au monde qui lui aient donné la colique. Mieux vaut dire amen à sa volonté qu’être déclarés bons à pendre, car je n’aurais pu impétrer avec l’espérance d’un pardon l’abrogation de la sentence… Vaincre – et je parle contre mes pairs -, ce sera sortir de Bordeaux l’esprit clair et la tête haute… Tiens, cette femme, là-bas,
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