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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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c’est la dame de Plainmartin, l’épouse de Guichard d’Angle.
    – Naguère Guichard d’Oyré. Un beau fredain (349) .
    – Il est vrai qu’il s’est mal conduit envers Ogier d’Argouges qu’il avait fait enchartrer dans un cachot d’Angle-sur-l’Anglin après le tournoi de Chauvigny. Déjà, il était des nôtres mais sauvait les apparences. Je ne sais s’il m’aurait délivré du souterrain où je croupissais aussi car j’avais été le témoin des tourments infligés à ton beau-père. Quelque mépris que tu aies pour Guichard, laisse-le en paix : il est trop bien en cour. N’ajoute pas à ta condition un fardeau plus pesant que celui que tu portes… Allons, viens… J’aperçois sir Robert Swynbume, le mayeur 20 de Bordeaux. Je le verrai plus tard… Entrons !
    Guichard d’Angle les précéda. De haute stature, l’œil vif sous son chaperon rouge à crête, la moustache épaisse et le menton hautain, il mitigeait son allure présomptueuse d’une certaine nonchalance.
    – Eh bien, dit-il à Calveley, es-tu remis, compère, de tes émois d’Espagne ?
    Cette voix, Tristan la découvrait. Il lui trouva un accent métallique.
    « Guichard d’Oyré, l’homme qui voulut occire Ogier d’Argouges parce qu’il avait découvert qu’il était un traître. Et c’est moi qui en ai la preuve sous les yeux ! »
    Il n’avait pas à venger son beau-père. Guichard avait choisi son maître et sa bonne fortune était évidente.
    « Il m’ignore. Je n’existe pas, mais il sait que je suis l’otage de Calveley. »
    –  À quand le mariage, Hugh ?… Je ne sais plus qui me l’a dit… Le prince Édouard peut-être (350) . Ainsi, tu vas t’enchaîner ?
    – Est-ce si extraordinaire ?
    – Où l’épouseras-tu ? À Bordeaux ou en Espagne ? Nos dames, et des plus haut placées, veulent en savoir davantage.
    Guichard d’Angle était l’un des plus fidèles serviteurs de la princesse Jeanne. Selon Calveley, il éduquerait son premier enfant. Quels bons principes allait-il inculquer à son élève ? La dissimulation, l’hypocrisie, la duplicité ? Cet homme curial avait suivi le prince jusqu’à Nâjera mais, disait Shirton, il était demeuré en retrait de l’ost d’Angleterre sans être pour autant dans celui du roi Pèdre. Audrehem avait son pendant au service du fils d’Édouard III.
    – Courras-tu des lances, Hugh aux prochaines joutes ?
    – Non.
    – Sois-en, mon compère. Oh ! Certes, je ne courrai point contre toi, mais…
    Guichard d’Angle élevait le ton dans l’évident dessein d’être écouté. Sa voix âpre et sonore, peut-être trop connue à l’instar de sa présomption, ne faisait se retourner personne ; elle dérangeait et courrouçait, au contraire.
    –  J’ai envie de m’exerciser contre quelqu’un. Qu’en dis-tu, Hugh ?
    « Pourquoi me regarde-t-il ainsi ? » se demanda Tristan. « Je ne l’ai préjudicié en rien. »
    –  Lances de guerre, dit Calveley dont le ton lugubre exprimait une sorte d’horreur simulée. As-tu songé que certains peuvent y perdre la vie ?
    Guichard d’Angle ne répondit pas : comme une porte venait de s’ouvrir, il en franchit promptement le seuil et s’empressa d’aller saluer quelques hommes de connaissance.
    – Nous y voilà, dit Calveley.
    L’antichambre dans laquelle le prince de Galles faisait attendre ses solliciteurs était une vaste salle lambrissée d’une boiserie de chêne à petits panneaux rehaussée de vignetures en or dans la manière de celles qui ornaient les pages des livres d’heures, les romans de Chevalerie et les couvertures des antiphonaires. Étayée par douze arceaux de bois embellis des lis et des léopards d’Angleterre, la voûte scintillait aux clartés d’un jour qui promettait d’être superbe. À l’extrémité de la pièce, le vouge au poing, veillaient deux hommes aux visages rechignés sous le chapel de Montauban. La mélancolie de l’inaction, le souvenir des batailles et le regret de leurs séquelles – rapines, viols, occisions, vilenies de toutes sortes – émoussaient leurs nerfs. Il advenait que l’un d’eux prît son arme à deux mains comme pour accomplir un geste où il excellait.
    Tristan n’était pas plus troublé que Calveley par la richesse d’une salle dont les cadettes noires et blanches, disposées en échiquier, se ternissaient au frottement des semelles. Heuses, bottines ou sandales, certaines avaient écrasé comme à plaisir
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