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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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revanche.
    Puis l’oubli recouvrait de son épais silence, de
son inaltérable indifférence ce qui, un temps, avait été en pleine lumière.
    Assis sur le bord d’une
restanque, la tête appuyée dans le creux des mains, je m’emportais contre
moi-même.
    À quoi bon essayer de redonner vie à ce qui
avait été exhumé, puis, après les discours, les célébrations, les indignations,
les livres et les couronnes, enterré de nouveau – et ne restaient plus que
quelques mots en guise de souvenirs : stalinisme, nazisme, goulag, système
concentrationnaire, totalitaire…
    Mais continuaient de pérorer sur les tribunes
des orateurs dont je sentais bien qu’ils auraient été capables de recommencer
la même aventure, parce que, disaient-ils, ça n’était pas les principes qui
étaient en cause, mais leur mauvaise application !
    Je pensais à mon
père. Tout ce que je lisais dans les archives et les carnets de Julia
Garelli-Knepper m’incitait à analyser son comportement, les causes de son
aveuglement, l’assurance qu’il avait montrée en condamnant les « renégats »
– dont la renégate Julia Garelli-Knepper – comme si ceux-ci n’avaient pas été
les victimes d’une foi à laquelle ils avaient cru pour la plupart. Et leur
souffrance était l’honneur des hommes…
    Je maudissais et méprisais mon père.
    Puis ces sentiments violents envers un mort me
culpabilisaient. Je m’en prenais alors à Julia Garelli-Knepper qui avait si
dédaigneusement écarté ma fable mythologique, Les Prêtres de Moloch , alors
que j’avais, dans ce livre, montré la permanence, l’éternité du Mal au-delà des
croyances et des circonstances, des fanatismes qui lui donnaient à chaque
époque son visage.
    Communisme, nazisme, agents des « Organes »,
guébistes ou membres des SS, ce n’étaient là que les accents particuliers de la
langue universelle qu’était le Mal.
    Je me reprochais et regrettais d’avoir renoncé
à publier Les Prêtres de Moloch, d’autant plus que je soupçonnais Julia
Garelli-Knepper de les avoir condamnés et de m’avoir ridiculisé et humilié pour
mieux me convaincre de me mettre à son service, de consacrer toute mon énergie
à son histoire, à celle de cette première moitié du XX e siècle dont je pensais qu’on l’avait déjà explorée jusque dans tous
ses recoins, alors que seule une œuvre évoquant la question du Mal, de l’humanité
de l’homme, en somme, méritait qu’on y consacrât sa vie.
    Tandis que j’étais là, dans ce sanctuaire, à
dénombrer jusqu’à la nausée les trahisons et les cadavres, les lâchetés des uns,
l’héroïsme des autres, qui parfois s’inversaient, au hasard des circonstances.
    Je quittais donc la
tour, le mas, marchais jusqu’au village, et, certains jours, j’entrais dans l’étude
de maître Chamard, le notaire de Cabris, lequel avait rédigé et enregistré le
contrat qui me liait à Julia Garelli-Knepper.
    Il m’écoutait, bienveillant et ironique. Il me
conseillait de m’accorder quelques jours, voire quelques mois de distractions. Le
contrat avait prévu ces interruptions. Je continuerais à percevoir mes
honoraires, mes indemnités.
    Maître Chamard gérait la fortune de Julia
Garelli-Knepper et m’avait chaque fois laissé entendre qu’elle était
considérable. Elle possédait en indivision avec des cousins de vastes domaines
agricoles en Terra Ferma ainsi que de nombreuses demeures à Venise. Mais le
petit palais de marbre gris où elle était née, Riva degli Schiavoni, et les
œuvres d’art, tableaux, tapisseries et sculptures qui le peuplaient, lui
appartenaient en biens propres.
    — Organisez donc votre temps et votre
travail comme vous l’entendez, me répétait maître Chamard. Vous êtes un rentier
de l’Histoire, monsieur Berger, profitez-en ! Rien, dans le contrat, ne
vous interdit de compléter vos recherches loin de Cabris, ou de publier un
texte personnel, ou tout simplement de vous distraire…
    J’ai souvent suivi
ces conseils, passant quelques semaines ou même plusieurs mois à Paris, me
contentant alors de téléphoner à madame Cerato ou à maître Chamard, puis
revenant précipitamment, soucieux de me ménager cette « retraite aristocratique »,
constatait maître Chamard.
    Mais il y avait d’autres raisons à mon
comportement.
    La vie quotidienne et prosaïque m’ennuyait, me
désespérait ; les femmes de rencontre me lassaient. J’avais besoin de la
démesure, des
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