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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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secrets roumains, allemands et même bulgares, de détruire ces archives
et d’en finir avec moi. Ç’aurait bien sûr été maquillé en sordide fait-divers, en
crime de rôdeur. On m’a protégée, et maintenant le danger est passé. Les historiens
imaginent qu’ils n’ont plus grand-chose à apprendre. Plus personne ne discute
désormais l’existence du goulag. On ne s’intéresse donc plus à moi. Je survis. Mais
à quoi me sert la paix ?
    Elle s’est interrompue puis a repris :
    — Votre fable, vos prêtres de Moloch, c’est
une manière de déguiser, d’étouffer la vérité. Moloch puise sa force dans le
mensonge et la dissimulation, les rêveries et les mirages, les contes et l’oubli,
et votre fatras mythologique n’est qu’un paravent de plus. Les agents des « Organes »,
les retraités du crime riront à gorge déployée en vous lisant !
    Elle s’est remise à
marcher, ne paraissant pas mesurer qu’elle venait d’anéantir mon travail en
quelques mots. Elle m’expliqua que la Fondation Garelli-Knepper qu’elle avait
créée dans les années 1960 n’avait plus d’activité, et à la manière dont elle
me regardait, j’avais l’impression qu’elle m’en rendait responsable.
    — Ils croient tous que tout a été dit, ressassé.
Qu’on en a fini avec le passé, qu’il est aussi lointain que le dieu Moloch. Mais – elle a eu un brusque mouvement de
la tête – c’est une illusion !
    Elle a prononcé ces derniers mots avec une
force inattendue :
    — Il faut atteindre l’os, quand on soigne
une plaie gangrenée. Il faut tout redire à chaque génération nouvelle. Tout
redire, tout expliquer. Assez de fables, la vérité !
    Tout à coup, elle a paru s’affaisser, s’accrochant
à mon bras. Elle a murmuré que la mort, qui avait été patiente et généreuse
avec elle, était maintenant à l’affût, toute proche, prête à bondir. La mort l’avait
laissée témoigner, mais à présent le sursis s’achevait.
    — J’ai pourtant tant de choses encore à
dire, a-t-elle ajouté en se redressant et en posant ses mains sur mes épaules.
    Elle m’a longuement dévisagé et son regard
était si intense que j’ai baissé les yeux.
    — Qui vous envoie, David Berger ?, a-t-elle
demandé.
    L’interrogation m’a paru si étrange, puisque
je lui avais expliqué dans de
nombreuses lettres le sens de ma démarche, que j’en ai frissonné.
    Nous sommes
retournés à pas lents vers le mas.
    Elle s’arrêtait presque à chaque pas, décrivant
les documents qu’elle possédait, qu’elle avait recueillis dans toute l’Europe
et ceux que des témoins souvent anonymes avaient envoyés à la Fondation. Elle
avait aussi classé plusieurs dizaines de carnets manuscrits qui devraient
permettre de compléter ses deux volumes de mémoires.
    Dans la grande pièce du mas, j’ai entrepris de
ramasser les feuillets de mon texte cependant que Julia avait repris sa place
dans le grand fauteuil en bois.
    — Je ne sais qui vous envoie, David
Berger, a-t-elle dit en répétant mon nom d’une voix de plus en plus faible :
David Berger, David Berger…, comme si elle avait voulu se l’approprier, y
découvrir quelque secret.
    J’ai de nouveau frissonné, l’assurant derechef
que personne ne m’avait incité à la rencontrer, mais, quand j’avais vu les
Berlinois détruire la tumeur purulente qu’avait été ce Mur partageant leur
ville et leur pays en deux moignons, j’avais eu le désir de connaître les
sentiments de celle dont la vie incarnait le siècle. Et j’avais voulu lui
soumettre les Prêtres de Moloch avant de lui dédier ce livre.
    Mais, ai-je dit en baissant la tête, elle ne
le souhaitait sans doute pas, et elle avait d’ailleurs, d’un revers de phrase, chassé
mon désir de voir ce livre publié.
    En lui avouant ma déception, j’avais espéré qu’elle
me démentirait, mais elle a paru ne pas m’entendre.
    — Je ne sais qui vous envoie, David
Berger, a-t-elle repris, mais vous êtes là. Vous êtes né en 1949 !
    Elle a souri.
    — Cette année-là, deux gardes du corps m’accompagnaient.
Staline avait donné l’ordre de me faire taire. Staline en personne ! Et
vous êtes né en 1949 ! Quand on a vécu longtemps, que la mort n’a pas
cessé de vous frôler, quand on a côtoyé des milliers d’humains, appris pour
préserver sa vie à les juger d’un seul regard, et qu’on a échappé à leurs
griffes, qu’on a ainsi pu survivre, qu’on a
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