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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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lassé la mort elle-même, on agit d’instinct.
Votre regard n’est pas trouble, David Berger, mais il n’a pas le vide bleuté de
certains de nos gardiens aux beaux visages.
    Elle s’est légèrement penchée.
    — Je vous fais confiance, David.
    L’obscurité avait
peu à peu envahi la pièce et maintenant je distinguais à peine la silhouette de
Julia Garelli-Knepper, silencieuse et immobile. J’étais accroupi à ses pieds, n’osant
plus bouger, les feuillets des Prêtres de Moloch répandus autour de moi.
    — Il faudrait…, a-t-elle commencé.
    Elle s’est aussitôt interrompue comme si elle
s’était trouvée au bord d’un gouffre, n’osant le franchir d’un bond.
    Enfin elle s’est élancée.
    Elle me proposait de m’installer au mas pour
quelques jours, d’examiner avec elle les archives de son sanctuaire, d’en
devenir, si cela m’intéressait, le conservateur. J’étais né en 1949, et cela
lui convenait. Il lui fallait un homme qui n’aurait pas été compromis, souillé
ou martyrisé dans le premier versant du siècle.
    — Je ne veux pas d’un survivant, a-t-elle
répété.
    — Je suis peut-être un héritier, ai-je
répondu.
    Elle s’est enfoncée dans un long silence, puis,
d’une voix haletante, elle s’est remise à parler :
    — Je m’en vais, David Berger. Je dois
léguer ce que je sais, ce que j’ai accumulé. À qui ? Pourquoi pas à vous ?
Dans les camps, ceux d’Asie centrale ou à Ravensbrück, on n’avait que quelques
secondes pour choisir la camarade à laquelle on allait confier sa vie. Elle
vous aidait, vous protégeait ou bien vous livrait. C’était la vie ou la mort. Je
vous choisis, David Berger. C’est un don accablant. Il peut vous écraser, si
vous trahissez tous ceux que vous allez rencontrer. Ce sera, entre le passé et
vous, un pacte de haine et d’amour. Aurez-vous la force nécessaire ? Il
vous faudra du temps. Il vous faudra laisser les vies enfouies renaître en vous.
Vous les reconstruirez. Elles murmureront, comme celles et ceux qui allaient
mourir me l’ont chuchoté : « Tu leurs diras qui je fus, n’est-ce pas ?
Tu auras pour moi la clémence du juge… » Leur renaissance sera votre
naissance.
    Julia
Garelli-Knepper est morte quelques mois plus tard.
    Elle m’avait désigné comme administrateur de
sa Fondation, conservateur des fonds d’archives qu’elle possédait, à charge
pour moi de les préserver, de les inventorier et de les faire connaître.
    J’ai mis près de vingt ans à composer et
terminer ce livre écrit à partir de ses archives et de ses carnets. Le temps
passe si vite !
    J’ai essayé d’être fidèle à l’un des derniers
vœux qu’elle avait exprimé :
    — Prenez la vérité pour horizon, David. Que
rien ne vous arrête. Ne nous trahissez pas, nous qui sommes morts !

2.
    J’ai été plusieurs fois tenté, au cours de ces
vingt années écoulées, de rompre le contrat que j’avais signé avec Julia
Garelli-Knepper. Je sortais accablé du « sanctuaire » où les
documents que je devais classer et consulter étaient entreposés.
    Je chancelais. J’avais la nausée.
    De chaque pièce d’archives, de chaque carnet, la
souffrance et le sang suintaient.
    Je m’éloignais du mas à grands pas. Je ne
répondais pas à madame Cerato, la gardienne, qui m’annonçait que le déjeuner
était servi, et je l’entendais qui demandait à son mari, Tito, de « voir
un peu ce que je faisais », car elle s’inquiétait.
    Je sautais d’une restanque à l’autre, je
butais sur une souche, je frottais mes mains contre l’écorce des oliviers. Je
venais d’être le témoin de tant de crimes que j’en avais les doigts souillés, comme
si j’avais retourné des cadavres, fouillé dans des fosses.
    Je prenais la fuite. Je voulais oublier les
héros et les traîtres, ces hommes et ces femmes qui avaient partagé la même foi, qui souvent avaient été complices et
étaient donc parfois unis dans le crime, mais les uns devenaient par lâcheté
les dénonciateurs et les bourreaux des autres qui étaient arrêtés, torturés, déportés,
livrés à leurs pires ennemis, fusillés. Et ceux qui ne l’étaient pas mouraient
de faim et de froid, le corps couvert de plaies, de vermine.
    Je me persuadais que ces faits étaient connus,
qu’ils avaient fait scandale, qu’on avait accueilli et rendu hommage aux
survivants, aux dissidents.
    Et Julia Garelli-Knepper avait eu sa part de
gloire et de
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