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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle
Autoren: Christian Bernadac
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et, en général, jouissant de postes relativement tranquilles, à l’« effektankammer », à la réparation des chaussures, au kommando des électriciens, etc. On distinguait nettement entre eux les Flamands et les Wallons par leurs différences de mentalité et de prononciation, mais tous possédaient une très grande maturité politique et un sens critique remarquable qui rendaient leur conversation particulièrement attrayante et instructive.
    — Les Hollandais étaient moins nombreux, plus effacés, et j’ai rarement eu l’occasion de discuter avec eux ; c’étaient, pour la plupart, des jeunes gens arrêtés en France alors qu’ils essayaient de rejoindre l’Afrique du Nord libérée.
    — Les quelque vingt Luxembourgeois qui se trouvaient à Gusen portèrent tour à tour les lettres LUX et le simple triangle rouge des « Politiques » allemands, en dépit de leurs protestations véhémentes ; ils étaient loin, en effet, de nourrir des sentiments pro-allemands malgré leurs affinités raciales germaniques. La plupart étaient des ouvriers ou des petits commerçants communistes qui avaient vu leur famille complètement dispersée : tel d’entre eux avait sa femme dans un camp de Silésie et ses enfants dans un autre de Saxe ! Dignes d’intérêt quant à l’action qu’ils avaient menée contre les nazis, ils étaient malheureusement doués d’un intellect plutôt borné qui les amenait, par exemple, à mettre un peu trop d’ardeur à leur travail, se laissant emporter par leur conscience professionnelle certes mal venue ici. Parmi eux, cependant, deux hommes remarquables, appelés certainement à jouer un grand rôle politique dans leur pays.
    — À titre de curiosité et pour montrer qu’à Gusen, à peu près tous les peuples d’Europe étaient représentés, je citerai une dizaine de Grecs, anciens S.T.O. – rois des bavards et du commerce – quelques Norvégiens et Lettons, un Suisse, un Roumain qui portait la lettre B des Belges, par je ne sais quelle finesse bureaucratique, deux Bulgares, engagés volontaires dans l’armée républicaine espagnole en 1936 et portant à ce titre le triangle bleu et la lettre S des Espagnols, un jeune Canadien de Vancouver arrêté en France pour Résistance, le seul qui portât la lettre C, enfin un Anglais, arrêté également en France, unique représentant de la Grande-Bretagne à Gusen.
    — Il est un peuple dont je n’ai rien dit, c’est le peuple hongrois ; les Hongrois séjournèrent rarement à Gusen I, car c’étaient tous des Juifs, portant la sinistre étoile jaune ; à ce titre, ils étaient envoyés directement à Gusen II, camp qui fut construit à un kilomètre de Gusen en avril 1944, devant l’afflux de plus en plus dense de « transports » et qui devint immédiatement un véritable enfer d’où, chaque jour, arrivaient à pleines charrettes des cadavres destinés au four crématoire. En un an, cinquante mille personnes moururent à Gusen II et, parmi elles, tous les Juifs hongrois passés par Mauthausen, sans exception. Le « Jude » n’était qu’un déchet de l’humanité qu’il aurait été dommage de nourrir, ne serait-ce que de rutabagas : quelques jours suffisaient à leur liquidation, et je ne les vis que morts devant le « kréma », ou squelettes vivants entrant au « Revier ».
    — Avril 1943 voit l’arrivée des premiers Français, si l’on excepte cinq ou six mineurs du Nord arrivés en novembre 1942, dans un convoi de Belges. Le 8 avril exactement, une vingtaine de Français, dont j’étais, faisaient l’apprentissage du marteau pneumatique à la carrière de granit de Gusen. Le 20 avril, deux cent cinquante autres venaient s’ajouter à nous, dont la plupart destinés au kommando Steyr : la colonie française était née. Petite colonie noyée au milieu d’une dizaine de milliers d’étrangers, en majorité hostiles, je le répète ; nous nous attendions en sortant du secret de la cellule, à une seule lutte contre les gardiens allemands ; les S.S. faisaient mieux, ils nous imposaient une lutte autrement plus délicate contre nos propres sentiments nationalistes, sentiments qui nous avaient poussés à engager le combat contre l’envahisseur, mais qui, ici, risquaient de se retourner contre nous en nous incitant à répondre par la haine aux sarcasmes de ceux qui avaient été cruellement déçus par la défaite de la France en juin 1940, et par son attitude officielle
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