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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle
Autoren: Christian Bernadac
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pas excuser les actes des kapos allemands ; quelques-uns, du reste, ont su rester propres malgré les responsabilités qu’ils assumaient, alors que d’autres, anciens communistes allemands et autrichiens, rescapés des geôles et des bagnes nazis, renièrent leur idéal pour adopter les méthodes de leurs collègues de droit commun. À Gusen, ces « politiques » allemands étaient d’ailleurs trop peu nombreux pour avoir une influence efficace sur la gestion du camp, comme ce fut le cas à Buchenwald où la lutte entre « Rouges » et « Verts » ne se termina pas toujours par la victoire de ces derniers. En revanche, il existait une vingtaine d’objecteurs de conscience allemands, portant le triangle violet, remarquables par leur esprit de solidarité et une dignité dont ils ne se départirent jamais.
    — Les Autrichiens, évidemment assimilés aux Allemands, se distinguaient rarement de ces derniers et adoptaient la brutalité et la morgue caractéristiques de la race élue. Le tableau teuton sera enfin complété si l’on note la présence à Gusen de quelques « triangles roses », internés pour pédérastie notoire et de quelques « triangles noirs » – dont pas mal de Tziganes d’ailleurs, classés parmi les asociaux. Ces éléments, d’une façon générale, appartenaient à la hiérarchie supérieure des kapos et « Vorarbeiter ».
    — La direction effective de l’administration de Gusen était aux mains des Polonais, les plus anciens du camp et les plus nombreux après les Russes. Les Polonais avaient participé à la construction du camp dès 1940 et connu les premières années d’extermination pure et simple. D’une habileté incroyable pour disputer les postes de commandement aux Allemands, ils détenaient les places de la « Politische Abteilung » et de « Blockschreiber », ce qui leur permettait de venir en aide à leurs compatriotes en les faisant accepter dans les kommandos les moins meurtriers. Leur orgueil incommensurable et leur chauvinisme étroit les faisaient détester de tous les autres détenus. La majorité d’entre eux portaient le triangle rouge, mais en fait peu avaient participé effectivement à la Résistance polonaise, les Allemands les ayant déportés dès 1940 comme éléments d’une des races inférieures à leurs yeux. La plupart appartenaient à la classe aristocratique terrienne ou aux milieux intellectuels des grandes villes ; beaucoup de prêtres parmi eux et très peu d’ouvriers. Un des traits les plus effarants de leur caractère était l’érudition remarquable ; tel « vorarbeiter » capable de discuter sur Voltaire et Pascal poussait à la production comme s’il travaillait pour son propre compte, n’hésitant pas à frapper s’il le fallait. Tel autre, professeur d’histoire, affirmait sans rire que la Pologne devrait s’étendre de Berlin à Kiev (ville authentiquement polonaise). Pour tous, la Pologne était le nombril du monde ; les Russes, des sauvages ; et les Français des êtres efféminés et lâches.
    — Quatre cent cinquante Espagnols environ leur disputaient âprement les meilleures places de la cuisine et du « Revier », et la lutte entre les deux nationalités prit parfois un caractère virulent ; si elle ne dégénéra jamais en guerre ouverte, c’est parce qu’ils avaient besoin réciproquement les uns des autres, mais tout les séparait : les Polonais étaient catholiques, grands admirateurs de Salazar et de Franco, les Espagnols étaient d’anciens combattants républicains de la guerre civile. Internés en France dans les camps de Gurs, Argelès et autres, enrôlés dans les compagnies de travail dans les Alpes ou derrière la ligne Maginot, ils avaient été faits prisonniers en juin 1940 par les Allemands. Après six mois de stalag, on les libéra pour les expédier à… Mauthausen et kommandos annexes ; arrivés près de dix mille au début de 1941, mille cinq cents à peine vivaient encore en 1943. Les Espagnols furent certainement parmi ceux qui nous accueillirent le plus mal, à notre grande stupéfaction ; ce n’est qu’après plusieurs mois de discussions et de mises au point que le malentendu se dissipa : les Espagnols n’avaient connu de la France que les camps d’internement du Roussillon où les conditions matérielles d’existence étaient semblables à celles des camps nazis ; à Argelès, ils restèrent plusieurs mois sans abri, le sable humide de la plage pour
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