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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle
Autoren: Christian Bernadac
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seule couche et soumis à une ration alimentaire dérisoire (ceci en 1939 !). La France qu’ils se représentaient comme le pays de la liberté et de la fraternité, les enfermait dans des camps parce qu’ils avaient lutté pour la République ! Ceci fut pour nous une révélation, car peu d’entre nous connaissaient le régime effroyable auquel étaient soumis les volontaires espagnols ; nous eûmes souvent beaucoup de mal à le leur faire comprendre, et pendant longtemps, nombreux furent ceux qui ne firent pas la discrimination entre leurs anciens gardiens, gardes mobiles de M. Daladier, et les Résistants français. Il en résulta trop souvent une attitude franchement hostile des Espagnols à l’égard des Français, et inversement, une haine de ces derniers pour ces « soi-disant frères latins » ! C’est exactement le but que recherchaient les Allemands en maintenant une judicieuse promiscuité ; ils savaient pertinemment que les hommes ont une tendance à généraliser à tout un peuple les jugements qu’ils portent sur quelques individus. Finalement pourtant, les Espagnols comprirent et firent largement amende honorable en nous apportant une aide efficace chaque fois qu’ils le purent.
    — Par contre, les Allemands ont certainement atteint leur but en ce qui concerne le jugement porté sur les Russes par la plupart des déportés qui les ont connus. Il est vrai qu’à Gusen, les Russes, élément le plus important du camp, constituaient la lie de la société concentrationnaire, se caractérisant surtout par leur brutalité et leur habileté au vol ; la réaction spontanée de ceux qui les côtoyaient était évidemment de se récrier contre le résultat de vingt-cinq ans de bolchevisme, réaction que s’empressaient d’entretenir leurs ennemis nés, les Polonais. Les Russes portaient le triangle rouge des « politiques » et la lettre R ; mais – en cela résidait le pouvoir démoniaque des Allemands – très peu d’entre eux avaient été déportés pour résistance militaire ou politique ; la plupart étaient de jeunes Ukrainiens, âgés de quatorze à vingt ans, raflés dans des maisons de redressement, ou volontaires du travail en Allemagne arrêtés par la suite pour vol ou pour viol, quelquefois pour sabotage ; il n’en reste pas moins vrai qu’un jugement était porté sur le peuple russe d’après le comportement de ces quelques milliers d’individus, et pour beaucoup de rescapés, ce jugement n’a pas varié, même à l’heure actuelle. Il y avait cependant parmi les « Rusky » des éléments de valeur incontestable, souvent anciens prisonniers de guerre et portant sur leur costume rayé les lettres « S.U. » (Soviet Union) ; j’en ai connu de Stalingrad et de Mongolie ; mais ils ne constituaient qu’une minorité noyée dans la grande masse des Ukrainiens qu’ils méprisaient profondément, et je me souviens de ce Mongol qui déclarait à propos d’eux : « Ce n’est pas étonnant qu’avec de tels adversaires, les troupes allemandes aient avancé si facilement en Ukraine ! » Lui aussi généralisait… Mais l’élite du peuple russe, celle que les Allemands se gardèrent bien de conserver en K.L., je ne la connus vraiment que dans mes premiers jours de quarantaine à Mauthausen ; ils étaient une cinquantaine de commissaires politiques de l’Armée rouge, au block 18, où nous-mêmes restâmes du 27 mars au 7 avril 1943 ; pendant dix jours, nous vécûmes ensemble, tout au moins le soir car eux, bien qu’en quarantaine, travaillaient douze heures par jour, soumis à un régime disciplinaire effroyable ; malgré cela, ils furent les seuls à sympathiser spontanément avec nous, insistant pour partager à tout prix leurs rares cigarettes ; nous étions littéralement sidérés par la largeur de vue et l’esprit de solidarité qui animaient ces malheureux couverts de loques et de coups. À la mi-avril, tous furent fusillés : il faut croire que les nazis jugeaient inutile de tenter sur eux l’expérience de déchéance concentrationnaire…
    — En très petit nombre, les Tchèques n’en constituaient pas moins à Gusen un des éléments les plus remarquables par leur tenue irréprochable ; en dépit de leur internement dans les camps depuis 1939 et 1940, et des situations privilégiées dont ils jouissaient grâce à leur connaissance de la langue allemande et de nombreux colis qu’ils recevaient ils avaient su se préserver de
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