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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle
Autoren: Christian Bernadac
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mémorial. Tout allait être détruit, rasé… le lotissement. Alors nous avons acheté le terrain sur lequel se trouvait le crématoire. Nous nous sommes cotisés, d’anciens déportés français, belges, italiens, pour acheter notre crématoire et nous avons construit, sur souscription, le mémorial. Et là, à la place du camp, les gens vivent. Je vous avoue que j’en suis bouleversé. C’est la troisième fois que je reviens ici. La première, en 1948, il y avait encore quelques baraquements, le crématoire dénudé. Il n’y avait pas encore de maisons, mais un champ de pommes de terre. J’étais avec un de mes amis, rescapé de Gusen. Il nous a pris une espèce de rage folle, nous avons posé la veste et nous nous sommes mis à arracher les pommes de terre. Je ne sais pourquoi. Une sorte de réaction… tellement ça nous paraissait monstrueux qu’à 10 mètres du crématoire, là où des milliers de gens sont morts, dans des souffrances atroces…
    Nous retraversons le terrain vague. Les bicyclettes poursuivent leur saute-dune. Le cerf-volant rouge et vert a perdu de l’altitude. La petite fille contemplative se mouche. Louis Deblé me prend par le bras.
    — Gusen n’est comparable à aucun autre camp… même au Mauthausen des premières années. Gusen va au-delà de la folie, de l’horreur. D’ailleurs beaucoup de kommandos oubliés, inconnus ont dépassé les camps célèbres – Auschwitz, Dachau, Buchenwald, Ravensbruck – en bestialité, en crimes de toutes sortes. Curieusement, la majorité de ces kommandos dépendait de Mauthausen. Voyez-vous, je crois que dans l’Enfer de Dante il y avait neuf cercles à franchir… Gusen fait partie du Dernier Cercle. Oui ! Le Dernier Cercle !

I
GUSEN I
    Les carrières ouvertes dans la colline qui domine le village de Gusen, 5 kilomètres à l’ouest de Mauthausen, ont alimenté, dès 1920, en blocs de granit et en pavés les entreprises de travaux publics de Linz et de Vienne. La DEST, « usines allemandes des terres et des pierres », gigantesque entreprise S.S. destinée à fournir les matériaux nécessaires à la réalisation des projets architecturaux du Reich i , après avoir établi le plan de production de Mauthausen, passa au mois d’avril 1938 un premier contrat de location avec la commune de Langenstein dont dépendaient les carrières de Gusen, Kastenhof, Pierbauer et la briqueterie de Lungitz.
    Au mois de décembre 1939 commençait la construction du camp, sous la direction des S.S. Anton Streitwieser et Kurt Kirchner, mais contrairement aux autres créations concentrationnaires, ce ne furent pas les « bâtisseurs » d’Oranienburg ou de Dachau qui furent envoyés sur place, mais deux simples kommandos (quatre cents détenus) de Mauthausen.
    Le 9 mars 1940, quatre cent quatre-vingts Polonais, transférés de Buchenwald, « inauguraient » les baraquements. Le lendemain, les quatre cents « constructeurs » furent détachés, définitivement, à Gusen. Je ne pense pas qu’un seul de ces hommes ait connu la libération, et il n’existe pas de témoignage polonais sur cette période. Simplement des listes de noms et de chiffres. Donc, sur ces huit cent quatre-vingts premiers « habitants », il ne restait que quatre cent soixante-huit survivants le 25 mai 1940 (près de la moitié de l’effectif avait disparu en soixante-quatorze jours). Et sur ces quatre cent soixante-huit, deux cent cinquante-six furent expédiés comme « invalides » sur Mauthausen. Les deux cent douze restants, perdirent ce jour-là leur matricule de Mauthausen et furent enregistrés à Gusen ii . Bilan qui se passe de commentaire et qui explique, à lui seul, le « style particulier » de Gusen. Dans les mois qui suivirent, la « terreur » s’amplifia : entre le 1 er juin 1940 et le 31 décembre 1940, sur les quatre mille déportés de Gusen, mille sept cent quarante-sept avaient été assassinés.
    — L’impression iii en arrivant à Gusen, en ce début de 1941, est une véritable panique. Tous les baraquements sont peints en noir. En regardant toute l’équipe de « kommandement », on se rend compte que l’atmosphère est irrespirable.
    — Que iv dire de l’impression ressentie : même décor, mêmes acteurs qu’à Mauthausen. Pourtant, si l’ensemble ne différait pas pour l’essentiel du camp central, Gusen I avait un aspect plus misérable. Les détenus étaient vêtus d’une façon plus disparate : habits rayés
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