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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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s'approcher.
    - Il faut vivre, n'est-ce pas ? Et elle, et moi.
    - Oui, Sire. Vivre et régner quant à vous. Marie n'a que la moitié de votre devoir.
    - Et vous, Madame ?
    - Vivre, c'est tout. Survivre même. C'est moins.
    - Madame, je vous dois un aveu.
    - Un aveu ? Un Roi qui avoue !
    - Non, un homme. Louis... comme vous avez dit à Calais ; eh bien cet homme de Calais a haÔ Guitaut cette vêprée.
    - Je m'en doute. Sa t‚che était ardue et malvenue.
    - Puis j'ai chevauché en compagnie d'un vrai gentilhomme.
    - Il l'est.
    - Il m'était supérieur ; j'ai pensé à le blesser.
    - Guitaut, Sire, est fin bretteur ; il est vrai que devant son Roi il n'e˚t pas tiré l'épée.
    - Oh, pas ainsi ; une blessure à jamais, pas une estafilade.
    La marquise se tut. Elle vint près du Roi qui regardait le jardin sous la nuit.
    - Vous ne voulez pas savoir comment ?
    - Non, Sire.
    - Par la pire cruauté.
    - Elle serait inutile, Sire, ce que vous vouliez lui prendre je vous l'aurais donné. Et vous le savez.
    - Me le donneriez-vous encore ?
    - Non, Sire.
    Le Roi hocha la tête, revint en le mitan de la chambre, but un autre verre de vin. Il entendit la marquise murmurer doucement à
    la nuit :
    - Oui. Et vous le savez bien.
    Sur le rectangle plus clair de la fenêtre Louis voyait se découper une mince et frêle forme noire. Oui, à Fontainebleau les apparitions abondaient, il le savait depuis l'enfance. C'étaient des femmes amoureuses qui hantaient les bosquets ou les longs corridors. Elles commandaient le respect.
    - Partez, Madame. Laissez-moi.
    La forme se tourna lentement, entra dans la lumière, elle n'était plus vêtue de nuit noire mais de soie et satin verts. Elle s'approcha du Roi, assis à la table du médianoche. Ombre triste devant un être torturé.
    - Merci, Sire, de ce congé.
    Vous m'aimez comme Marie m'aime.
    - Oui.
    - Voici le plus beau mot entendu ce soir, mademoiselle... de La Rochefoucauld. Et prononcé par la plus tendre bouche qui se f˚t posée sur la mienne. Restez avec moi.
    - Votre maîtresse pour une nuit ?
    - Oui. Je vous désire ainsi, Madame.
    - Malgré Marie.
    - Malgré Guitaut aussi.
    Et le Roi baisa la main de Mme de Sénecey comme celle d'une princesse du sang.
    - Ne craignez rien ; l'homme que je suis n'a qu'une qualité
    de Roi : le secret quand il est nécessaire.
    - Je vous en sais au moins une autre, Sire.
    - Et laquelle, marquise ?
    - Etre l'amant le plus désirable de la terre !
    Le Roi épousa l'infante. A Saint-Jean-de-Luz, sur la route, il rencontra Marie et ses súurs à Saint-Jean-d'Angély. Marie parut, folle. Le Roi terrassé de douleur. On les sépara. Le mariage eut lieu à Saint-Jean, célébré par l'évêque de Bayonne. Sur l'île des Faisans au milieu de la Bidassoa, les diplomates et ministres s'escrimaient avec leurs plumes, avec les mots, avec espoir, avec crainte.
    En naquit le traité des Pyrénées.
    On s'embrassa entre Rois sur l'île des Faisans.
    Et le cortège parcourut la France : Bordeaux la Rebelle, Poitiers, Richelieu, cette Florence peuplée par des vaches, Cham-bord... Paris qui s'était donné un air de thé‚tre avec des arcs de triomphe, des portiques, des verdures, des bergeries, ce fut le triomphe du Roi triste, la bienvenue à la Reine laide, le rêve d'Anne d'Autriche, la gloire de Mazarin.
    La paix était faite !
    Elle était née du malheur du Roi qui n'aurait pas d˚ naître quand le pays de sa mère et celui de son père se faisaient une guerre qui se perpétuerait jusque dans leur couple.
    La Reine abusa du chocolat espagnol, but son hypocras avec des glaçons car l'Espagne torride connaissait la glacière et installait les poissons sur des lits de neige en plein juillet ! Elle avait embrassé
    son frère :
    - Vous me pardonnerez de m'être montrée si bonne Française, je le devais à mon fils.
    Le Roi embrassa sa súur et devant elle couvrit de louanges son neveu.
    - Maintenant je peux mourir, dit-elle à Louis.
    - Le Roi vous l'interdit bien, Madame ma mère.
    Dieu merci, ce n'était pas elle que Dieu allait rappeler.
    On rit beaucoup à L'Etourdi et aux Précieuses ridicules de Molière. Sauf la jeune Reine qui parlait mal le français malgré les leçons de sa belle-mère et de Mme de Sénecey.
    Le Roi était de plus en plus entiché de Molière. Anne avait ri aussi mais Mazarin avait toussé comme s'il s'ennuyait.
    L'homme le plus haÔ de France était le plus glorieux et paraissait maussade bien qu'il f˚t aussi le plus riche, selon
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