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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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pas, ne dit mot, mais fit signe au cocher de fouetter les chevaux.
    Le Roi eut l'ombre d'un geste. Guitaut le regarda dans les yeux.
    Il fit un signe : deux gardes amenaient des montures.
    Le Roi comprit. Ils se mirent en selle et firent en silence sur dix lieues l'escorte de la nièce d'un cardinal qui quittait un roi de France. Puis Guitaut s'adressa au Roi.
    - C'est assez loin, Sire.
    - que dites-vous ?
    - Nous pouvons rentrer.
    - Pourquoi ?
    - Vos yeux ont séché.
    Louis pleura tous les soirs, Louis écrivit chaque matin et chaque soir ; la Reine autorisait que les amants échangent au moins des mots. Mazarin fit passer le courrier par le bureau de Colbert qui en tint copie.
    La Reine mena la Cour à Fontainebleau, ch‚teau favori du Roi depuis l'enfance. Elle lui parla chaque jour avec tendresse dans la plus totale intimité. Le Roi fut malade. On le soigna mais que peut-on faire contre le pire chagrin, celui de l'amour ?
    - Commandons une comédie à Molière et faites aussi venir mon... " Amour médecin ".
    La Reine ne comprit pas.
    - Ma gouvernante, Mme de Sénecey. N'a-t-elle pas toujours trouvé le remède ?
    La Reine sourit.
    Au plus privé du plus privé, Louis XIV s'abandonna dans les bras et le giron de celle qui fut sa gouvernante. Elle ne dit mot, serrant ce jeune homme contre elle, subissant ses sanglots, les tressautements de ses épaules et de tout son corps. La nuit tombait.
    La nuit noircissait. La nuit était au plus profond du noir. Mme de Sénecey baisait les cheveux du Roi et le berçait.
    Il releva la tête au visage ravagé.
    - que faire, Madame ? A vous j'obéirai.
    - Sire, vous n'avez pas à m'obéir.
    - Est-ce crime que d'aimer ?
    - Sire, me demander cela ?
    - J'épouserai l'Espagne, je le vois. Mais l'infante est fort laide, pire que la Savoie !
    - Oui. Mais Dieu a établi les Rois pour veiller à la s˚reté et au repos de leurs sujets, non pour sacrifier à leur passion, f˚t-elle la plus belle du monde.
    - Le pensez-vous ou récitez-vous une leçon apprise de ma mère ou du Cardinal ?
    - Sire, j'ai passé l'‚ge de réciter des leçons et de vous en donner. Nous sommes depuis quatre heures en cette chambre, vous en ai-je donné ?
    - Non. Vous f˚tes la tendresse même. J'étais petit enfant.
    - Non, Sire, un homme malheureux.
    - Un homme mort !
    - Non, Sire. Malheureux, torturé par le plus noble des sentiments.
    - Vous seule savez me parler d'amour. Et ce depuis toujours.
    - Parce que toujours je vous ai parlé, Sire, en toute sincère vérité, sans rien vous celer de la vie, de ses aléas, de ses tourments, de ses bonheurs et des tourments qui naissent aussi du bonheur. Je sens, Sire, que je glisse vers de tendres banalités que Marie n'aurait point proférées. Vous m'excuserez de n'avoir pas son délicieux et inégalable esprit.
    Le Roi rit.
    - Oui, Marie, ma Précieuse. Comme vous, elle m'a dégrossi.
    Elle a parfait votre úuvre.
    - Et donné ainsi à l'humanité son chef-d'úuvre.
    - Un trait d'esprit, Madame ! Joliment vêtu en compliment !
    - Non, Sire, rien qu'un mot ! Je suis cousine de La Rochefoucauld.
    - Mais vous m'êtes plus fidèle.
    Le Roi regarda autour de lui.
    - J'ai faim !
    - J'ai fait préparer un médianoche.
    - Comme une femme qui reçoit son amant ! que ne suis-je Guitaut !
    - Vous êtes le Roi. Je pense qu'il sied de vous le répéter.
    Vous plaisantez pour éloigner la douleur, c'est une bonne médecine.
    Elle se leva, ouvrit la porte, on apporta des plateaux, on s'esquiva.
    Le Roi se servit un verre de vin, hésita et le tendit à la marquise.
    - A vous, Madame...
    La marquise but à peine et reposa le verre. Le Roi le prit, but o˘ la marquise avait mis ses lèvres.
    - Je ne plaisantais pas. Depuis mes dix ans ou douze, j'ai toujours envié Guitaut d'être votre amant.
    IL se servit de poulet, prit une assiette, en prépara un blanc qu'il mêla de jambon pour sa commensale.
    - Madame, c'est plaisir que vous servir. C'était plaisir de servir Marie à tout moment de sa vie.
    - C'était ?
    - Oui, " l'amour est morte " ! Jolie chanson... Des temps courtois. Vous la chantiez pour moi autrefois.
    - Il est vrai. Ai-je bien fait ? Elle est si triste.

    Elle picora dans le poulet. quelque chose l'étranglait. Le Roi se leva pour se rendre à la fenêtre.
    - O˘ est-elle maintenant ?
    - Elle contemple l'Océan du haut d'une forteresse. Et pense à vous. Ou bien elle vous écrit et signe d'une larme.
    La voix du Roi se fit si rauque que la marquise n'osa
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